La politique d'asile en France "est au bord de l'embolie", s'alarme la Cour des comptes. Son coût s'élèverait à 2 milliards d'euros par an, soit le double des estimations publiées jusqu'alors. Ce n'est "pas soutenable à court terme" peut-on ainsi lire dans un document rédigé rue Cambon et révélé lundi par Le Figaro. Ce texte confidentiel est un "relevé d'observations provisoires", "une sorte de rapport d'étape", précise le quotidien. Mais il résonne comme une mise en garde, alors que débute mercredi l'examen par la commission des lois du Sénat d'un projet de loi réformant le droit d'asile.
Une hausse des dépenses de 60% en cinq ans. "La politique d'asile est devenue la principale source d'arrivée d'immigrants clandestins en France", écrivent encore les auteurs du rapport. Le texte pointe "une hausse de la demande d'asile jusqu'en 2013 pour atteindre 66.251 dossiers déposés", des "délais de procédure qui s'élèvent à deux ans environ" et "une concentration des demandes sur certains territoires, en particulier l'Ile-de-France".
Toutes les dépenses prises en compte. La Cour des comptes a procédé au calcul des "dépenses totales effectuées pour les demandeurs d'asile" et conclut à une hausse de 60% en cinq ans : pour la prise en charge des demandeurs d'asile qui arrivent sur le territoire, le coût global s'élèverait à 990 millions d'euros environ en 2013, contre 626 millions d'euros en 2009", soit un coût par demandeur de 13.724 euros. Pour les personnes à qui l'asile n'a pas été accordé, les "déboutés", le montant des dépenses "serait équivalent à celui consacré aux demandeurs d'asile", à savoir un milliard d'euros par an et un coût moyen par débouté "allant jusqu'à 5.528 euros".
Le rapport intègre les dépenses liées à l'hébergement des demandeurs, mais aussi leurs éventuels aides au retour, leur scolarité ou les coûts liés à leur prise en charge médicale. La Cour souligne également que, "malgré l'obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui leur est notifiée, seul 1% des déboutés sont effectivement éloignés". La majorité des déboutés "reste en situation irrégulière en France".
Mieux cibler la politique d'asile. Le document de la Cour des comptes émet des "recommandations provisoires". Il préconise notamment de "réduire le montant des allocations mensuelles versées aux demandeurs d'asile", de mettre en place un "guichet unique" de traitement des dossiers et d'"exécuter les obligations de quitter le territoire français pour les personnes déboutées".
Ce document arrive dans un contexte tendu autour des questions d'immigration. Dans un autre rapport, publié en février, le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe avait exhorté la France à lutter contre la hausse des actes haineux et à mieux accueillir les demandeurs d'asile, notamment les Syriens et les victimes des djihadistes.
Pour les Sages de la rue Cambon, la politique française n'est pas suffisamment ciblée. "La France se caractérise (…) par un faible nombre de demandeurs d'asile originaires de pays en guerre ou en conflit contrairement à d'autres pays européens (…). Sur les 50.470 demandeurs d'asile en provenance de Syrie, la France en a accueilli 889, soit moins que la Roumanie ou la Hongrie", constate le document.