"Un choc pour la nation". Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, n'est guère optimiste. C'est par ces mots qu'il a qualifié mercredi soir les "mauvaises nouvelles" qu'il redoute du comité central d'entreprise (CCE) extraordinaire de PSA Peugeot Citroën, qui se tient jeudi.
Les syndicats sont convaincus que la direction va y prendre des mesures économiques drastiques, en plus des 1 milliards d'économie déjà lancées en 2012. Le coût humain selon eux? Entre 8.000 et 10.000 emplois.
Le 28 juin, le président du directoire de PSA Peugeot Citroën, Philippe Varin, avait déjà annoncé la couleur : "de nouvelles alternatives en matière de réduction de coûts" vont être déterminées. Comment en est on arrivé là ? Europe1.fr fait le point.
Qu'est ce qui ne va pas chez PSA ? Le premier constructeur automobile français souffre depuis l'été dernier d'une chute de ses ventes en Europe, notamment du Sud. Après plusieurs avertissements sur résultats et une perte opérationnelle courante de 92 millions d'euros dans l'automobile en 2011, les analystes s'attendent à ce que l'exercice 2012 se solde par des pertes bien plus lourdes encore.
"La famille Peugeot n'a pas vraiment le choix et va devoir à la fois réduire les dépenses et les capacités, commente un analyste du secteur cité par l'AFP. Le problème vient des volumes et des coûts, les volumes ne sont pas là, mais les coûts si."
Les ventes européennes de PSA ont chuté de 15,2% au premier semestre, alimentant un désaveu en Bourse qui se traduit depuis le début de l'année par une chute de plus d'un tiers du titre, après un recul de près de 60% déjà en 2011.
Pour réduire sa dépendance vis-à-vis d'un marché européen atone, où il réalise encore 61% de ses ventes, le groupe se développe à marche forcée à l'international, notamment en Chine et en Russie. Mais les difficultés financières de PSA menaçent également cette stratégie. Le groupe a été contraint en février de s'allier à l'américain General Motors, ce qui constitue la première entorse au principe d'indépendance que la famille fondatrice a toujours jalousement défendu.
Pourquoi ça coince ? Moins mondial que son compatriote Renault-Nissan, PSA cherche sa place sur un marché généraliste écartelé entre le segment "low cost", où Peugeot et Citroën ont toujours refusé d'emboîter le pas à Dacia, et un segment "premium" trusté par les constructeurs allemands.
PSA cherche bien à faire monter en gamme ses deux marques - avec notamment la ligne DS de Citroën - mais dispose en matière de tarifs d'une marge de manœuvre bien plus limitée qu'un concurrent comme Audi (groupe Volkswagen).
La crise que traverse aujourd'hui PSA n'est pas la première en 200 ans d'histoire du groupe. Mais contrairement aux années 1980, quand l'entreprise avait trouvé son salut dans le succès de la Peugeot 205, la tâche est plus ardue pour la dernière née de la famille: la 208, lancée en avril, compte aujourd'hui une trentaine de concurrents, contre une poignée pour la 205. (Lire notre analyse détaillée sur la panne de la filière automobile française.)
Quelles conséquences sur l'emploi ? Pour le moment, la direction du groupe n'a fait aucune annonce précise en termes d'emploi, renvoyant aux deux CCE extraordinaires prévus en juillet. Si rien de précis ne sort après celui de jeudi, la direction aura encore le CCE du 25 juillet… soit en plein cœur de l'été.
Les syndicats craignent une véritable hécatombe. Les observateurs seront surtout attentifs aux possibles annonces concernant le site d’Aulnay-sous-Bois, en Seine Saint-Denis. Il s’agit de l'un des plus gros employeurs du département avec 3.000 CDI et 300 intérimaires. Au total, elle fait vivre, directement et indirectement, environ 10.000 personnes, dans cette zone déjà fortement touchée par le chômage. Créée en 1973, l'usine se partage la fabrication de la C3 de Citroën, lancée en novembre 2009, avec l'usine de Poissy, dans les Yvelines. Mais alors que cette dernière produit aussi d'autres véhicules, le site d'Aulnay est entièrement dédié à la C3.
Depuis 2007, la cadence y a été fortement réduite et les surfaces utilisées ont baissé de 30% en trois ans. Il n'y a plus qu'une seule ligne de montage, contre deux auparavant, et l'équipe de nuit a été supprimée en octobre 2010. En juin 2011, la CGT a dévoilé un document interne à l'entreprise, faisant état d'une fermeture définitive en 2014. Le groupe a démenti, mais a toujours refusé de s'engager par écrit sur l'avenir de l'usine.
Plusieurs autres sites pourraient subir des coupes dans les effectifs, notamment Rennes, en Ile-et-Vilaine (1.000 salariés menacés selon les syndicats), et Sevelnord dans le Nord, où après le départ de Fiat, l'avenir du site dépendra de l'attribution d'un nouveau véhicule utilitaire.
Comment compte réagir le gouvernement ? "Demain le gouvernement, à partir des annonces de PSA, se positionnera utilement de manière à ce que la nation se rassemble autour du problème de l'automobile", a déclaré mercredi soir Arnaud Montebourg, sans plus de détails.
Le ministre du Redressement productif avait auparavant annoncé qu'il proposera "prochainement" au président de la République et au Premier ministre "un plan d'actions pour l'avenir de la filière automobile". Soutien au chômage partiel, aide au sous-traitant, création d'une banque pour la filière auto ou taxe sur les constructeurs ne privilégiant pas le "produit en France" font partis des pistes du cabinet du ministre. (Voir le détail en cliquant ici.)
Le ministre du Travail, Michel Sapin, a lui déclaré s'attendre à des annonces "plutôt négatives" mais a assuré que l'Etat serait présent pour "exiger de Peugeot qu'il y ait un vrai dialogue social, une vraie transparence". "Nous ne considérerons pas que ce qui sera annoncé demain par Peugeot est définitif. Cela devra bouger, cela devra évoluer, d'abord par la négociation entre les partenaires sociaux", a-t-il insisté sur BFM-TV mercredi.
Dimanche, le ministre de l'Economie Pierre Moscovici avait prévenu que le gouvernement ne laisserait pas tomber l'industrie automobile. "Nous avons confiance en PSA et nous trouverons les solutions les plus équilibrées et en même temps respectueuses de l'emploi", a-t-il déclaré.
Mais certains syndicats dénoncent déjà l'attentisme du gouvernement. "Toute la France sait qu'ils veulent fermer Aulnay et qu'ils vont l'annoncer dans les prochains jours, avait par exemple taclé fin juin Jean-Pierre Mercier, délégué CGT à Aulnay. Que la seule personne qui n'ait pas compris ça soit le ministre du Redressement productif, ça en devient choquant. À quel jeu joue-t-il ? Il a rencontré le Pdg Philippe Varin la semaine dernière, Varin ne lui a rien dit, ça veut dire qu'il s'est fait rouler dans la farine."