Moins dépenser sans renoncer complètement à soutenir le pouvoir d'achat : le gouvernement doit trouver un difficile équilibre dans son projet de budget pour 2024, le premier d'après-crises avec l'ambition d'assainir les finances publiques.
16 milliards d'euros d'économies
Pour donner des gages de sérieux budgétaire, l'exécutif compte dégager 16 milliards d'euros d'économies dans le projet de loi de finances qu'il détaillera mercredi en Conseil des ministres. Mais les débats s'annoncent électriques au Parlement. Privé de majorité absolue à l'Assemblée et probablement de soutiens dans l'opposition, le gouvernement pourrait se résoudre à une adoption sans vote en recourant, comme l'an dernier, à l'article 49-3 de la Constitution.
Le gouvernement assure vouloir acter la fin du "quoi qu'il en coûte", confronté à une dette qui a dépassé cet été les 3.000 milliards d'euros, et à un déficit largement en dehors des clous européens qui range la France parmi les mauvais élèves de la zone euro.
Fin progressive du bouclier tarifaire pour l'électricité
Ainsi, 10 des 16 milliards d'économies proviendront de l'extinction progressive, d'ici à la fin 2024, du bouclier tarifaire pour l'électricité permettant d'alléger les factures. S'y ajouteront notamment les réductions des aides aux entreprises (environ 4,5 milliards).
Suppression de l'avantage fiscal pour le gazole non routier
D'autres pistes d'économies ont été avancées ou confirmées comme le report d'une partie de la baisse d'impôts de production (CVAE) pour les entreprises, la suppression de l'avantage fiscal pour le gazole non routier ou une taxation des concessionnaires autoroutiers.
Réduction de 71% à 50% de l'abattement fiscal pour les locations meublées touristiques
Dans Le Parisien, le ministre de l'Économie et des Finances Bruno Le Maire a aussi soutenu une réduction de 71% à 50% de l'abattement fiscal pour les locations meublées touristiques, type Airbnb. L'objectif est de ramener le déficit de 4,9% du PIB cette année à 4,4% en 2024, puis à 2,7% en 2027, sous la limite européenne de 3%.
L'endettement reculerait moins résolument, stable à 109,7% du PIB en 2024 pour atteindre 108,1% en fin de quinquennat, loin au-dessus du maximum européen (60%).
Le gouvernement entend s'ériger en défenseur du pouvoir d'achat
Pour le gouvernement, redresser les finances publiques est une question de "crédibilité" vis-à-vis des partenaires européens de la France et des marchés financiers. Mais "il y a de moins en moins de marges de manoeuvre", estime Christian de Boissieu, vice-président du Cercle des économistes, alors que la croissance économique serait l'an prochain moins dynamique qu'espéré.
Malgré la volonté affichée de dégager des économies, le gouvernement entend aussi continuer à s'ériger en défenseur du pouvoir d'achat face à une inflation tenace, un sujet politiquement sensible. Confronté à une nouvelle envolée des prix à la pompe, il ressortira le chéquier, sa volonté d'autoriser la vente à perte de carburants n'ayant pas résisté à l'hostilité des distributeurs face à cette idée.
Un nouveau chèque carburant
L'indemnité de 100 euros annoncée par Emmanuel Macron pour les ménages les plus modestes qui travaillent et possèdent un véhicule devrait coûter environ 430 millions d'euros au budget 2024, tandis que l'indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu (4,8%), des retraites (revalorisées de 5,2% au 1er janvier) et des prestations sociales (4,6% au 1er avril) pèsera 25 milliards d'euros.
Quant au bonus pour l'achat d'un véhicule électrique, il sera augmenté pour les plus modestes, selon Bruno Le Maire.
Pas d'augmentation des impôts
Un projet de loi avançant le calendrier de négociations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs sera aussi dévoilé mercredi en Conseil des ministres, avec l'espoir d'accélérer la baisse des prix dans les supermarchés.
S'ajoutent d'autres contraintes freinant la baisse des dépenses : une charge de la dette qui explose sous l'effet de taux d'intérêt élevés ; des dépenses en hausse pour l'éducation, la défense ou la justice ; la nécessité de financer la transition écologique, créditée de 7 milliards d'euros supplémentaires en 2024.
Du côté des recettes, l'exécutif maintient sa ligne rouge : pas question d'augmenter les impôts ; il s'agit même de les baisser ces prochaines années.
Outre le budget, le 49.3 risque d'être aussi dégainé mercredi pour le projet de loi de programmation des finances publiques, texte fixant les objectifs budgétaires jusqu'en 2027. Pour les atteindre, le gouvernement estime à 12 milliards par an, sans les définir, les économies nécessaires dès 2025.
Cette trajectoire des finances publiques a été jugée "peu ambitieuse" par le Haut conseil des finances publiques.