"Je n'ai qu'un regret, c'est ne pas avoir inventé le jean", déplorait Yves Saint-Laurent. Et pour cause, le succès de cette pièce emblématique du vestiaire masculin et féminin des 20e et 21e siècles ne s'est jamais démenti. Il se vend chaque année 2,3 milliards paires de jeans dans le monde, pour un chiffre d'affaires de 58 milliards de dollars. Si l'Américain Levi Strauss & Co reste le principal leader du marché, plusieurs marques tentent aujourd'hui de faire revivre l'origine française du jean. En effet, c'est dans le sud de la France qu'a été élaborée la toile de coton qui sert principalement à sa fabrication.
Porter une pièce historique
Depuis 2013, la marque lancée par Thomas Huriez, 1083, puise son inspiration aux origines même du fameux "denim" - contraction de "de Nîmes" et nom donné à l'étoffe principalement utilisée pour la confection du jean. "Le premier denim que l'on a lancé est une copie du 'serge denim' que l'on a trouvé au musée municipal de Nîmes", explique Thomas Huriez au micro de Raphaëlle Duchemin dans La France bouge. En effet, au 17e siècle, c'est à Nîmes que plusieurs tisserands, dont la célèbre famille André, élaborent à partir d'un tissu d'origine génoise une toile de coton à la trame dite "sergée", et qui, réputée pour sa grande résistance, va servir à fabriquer des vêtements de travail, des tentes, voire des voiles de navire. Teintée en bleu, elle donne naissance au jean denim. "On est parti de cette toile historique, née en France, pour développer notre marque", indique le fondateur de 1083.
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Les jeans 1083 sont vendus autour de 100 euros, pour un coup de fabrication moyen de 35 euros, quand il est de 17 euros pour une pièce faite en Tunisie, 13,50 euros en Turquie ou seulement 5,40 euros au Bangladesh. Ils sont teints, tissés et confectionnés dans l'Hexagone, notamment grâce au savoir-faire du Vosgien Valrupt Industries, l'un des derniers filateurs de France. La manufacture a déposé le bilan en mars 2018, mais 1083 a fait le pari d'une reprise, sauvant ainsi plus de la moitié des emplois. "La France a une histoire profonde avec la mode et l'industrie, notre volonté de relocaliser est nourrie par toutes les délocalisations que l'on a connues", fait encore valoir Thomas Huriez.
Made in Marseille
Kaporal, marque française de jeans créée en 2004, ne s'est tournée que récemment vers une fabrication locale, à travers sa ligne "jean de Nîmes" lancée en 2017. Si la marque est connue pour ses pièces maximalistes, aux nombreux ornements, elle opère, avec ses pantalons "jean de Nîmes" et ce retour aux origines, un vrai travail d'épuration. "Le jean que l'on a voulu faire est différent des autres, plus sobre. C'est un jean plutôt brut, avec une toile très épurée", explique, également dans La France bouge, Guillaume Ruby, le directeur de la marque.
Là encore, il s'agit de renouer avec une histoire industrielle un peu oubliée, puisque cette nouvelle ligne fait déjà travailler 500 personnes à Marseille, là-même où était concentré l'essentiel de la production française dans les années 1980, avant que la mondialisation n’entraîne une série de délocalisations au Maghreb et en Asie. Pour un coup de fabrication de 40 euros, les pantalons de la ligne "jean de Nîmes" sont vendus en moyennes 120 euros. "La première question chez les clients : pourquoi un jean made in France coûte plus cher ?", avoue Guillaume Ruby. "Il y a tout un travail de sensibilisation et d'explication à faire en boutique", reconnaît-il.