La question ukrainienne tend à nouveau les relations entre la Russie et les États-Unis. La principale et seule menace à ce stade brandie par les États-Unis à l'adresse de la Russie en cas d'invasion de l'Ukraine, ce sont les sanctions économiques. C'est d'ailleurs la seule que Moscou redoute, peut-être plus encore que les armes. Ces sanctions économiques ont historiquement des effets qui sont tout à fait contestables. La Russie subit déjà des sanctions économiques depuis 2014. Mais il est vrai qu'elles sont complexes à manier parce qu'elles peuvent se retourner contre celui qui les prend. C'est d'ailleurs ce qui s'était passé : la Russie avait pris des contre-sanctions contre l'Union européenne dans le domaine alimentaire, sur le cochon notamment.
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Ces sanctions peuvent humilier. Et puis, quand elles sont fortes, leur objectif est de retourner l'opinion publique contre son gouvernement. Mais on voit que les résultats sont inégaux. Ça a pu éventuellement marcher à Cuba, mais très souvent, ça ne fonctionne pas. On l'a vu en Russie et en Iran. Dans tous les cas, ça prend du temps et ça cause bien des malheurs dans le pays concerné.
Dans le cadre du dossier ukrainien, on évoque l'exclusion de la Russie du système Swift. C'est quoi ce système ?
Ce n'est pas très connu pourtant quand on fait des virements bancaires, on le voit : c'est le système de traitement des paiements interbancaires, donc des virements. Il ne transfère pas de fonds, mais c'est lui qui envoie les ordres de paiement. Il a été créé en 1973. À peu près 10.000 établissements financiers sont adhérents dans la quasi-totalité des pays recensés par l'ONU. En réalité, c'est une banque de droit belge. Mais de fait, elle est contrôlée par les États-Unis, tout simplement parce que c'est le dollar qui est la principale monnaie internationale. Et donc, les États-Unis sont le pays le plus important, de très loin, du système.
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Les Chinois, d'ailleurs, ont essayé de monter leur propre contre-réseau, mais ça ne fonctionne pas très bien. Ils n'arrivent pas à remplacer Swift, qui reste dominant et qui restera sous contrôle américain tant que les États-Unis seront la première économie mondiale. Sortir de Swift, c'est l'arme nucléaire des sanctions économiques parce que sortir un pays de SWIFT, c'est en réalité le sortir tout simplement du système de paiement mondial. C'est ce que subit aujourd'hui l'Iran.
Les Russes disent que ce serait une déclaration de guerre. Ça pose quand même un problème de souveraineté tout ça ?
De fait, ça donne aux États-Unis le pouvoir de diriger les sanctions financières et d'obliger tout le monde à suivre. D'ailleurs, c'est très exactement ce qu'il s'était passé au moment où l'Iran, de fait, était soumis à des sanctions très dures qui ont été décidées simplement par les États-Unis, en grande partie via Swift. En même temps, ça a le mérite de montrer d'où vient la souveraineté. On voit qu'elle vient de la taille de l'économie, de la maîtrise des technologies.
La question pour l'Europe est toujours la même : gagner de l'influence géopolitique par la maîtrise des technologies, par l'innovation, par la démographie... Notre indépendance, ce qu'on appelle aujourd'hui dans le langage diplomatique, l'autonomie stratégique. Elle passe par une politique de recherche et développement et d'innovation au niveau de l'Union européenne. Si nous voulons être autonomes, nous devons être unis, nombreux et intelligents.