La nouvelle est tombée comme un couperet pour le gouvernement. L'Insee a abaissé la prévision de croissance pour 2016 dans sa dernière note de conjoncture, publiée jeudi soir. Selon l'institut de la statistique, le PIB tricolore ne devrait augmenter que de 1,3% cette année, contre 1,6% prévu au départ. En cause : une contraction de 0,1% de l'activité au printemps. "Dans notre note précédente, publiée en juin, nous anticipions un ralentissement. Mais il a été finalement beaucoup plus important que prévu", explique Vladimir Passeron, chef du département de la conjoncture de l'Insee.
Équilibre budgétaire menacé. Le gouvernement s'en défend, mais ces nouveaux chiffres sont forcément difficiles à encaisser. Toute la politique budgétaire du gouvernement, et notamment le projet de budget 2017, repose sur des hypothèses de croissance supérieures : 1,5 % cette année, et la même chose l'an prochain. Une croissance moindre que prévu joue sur les recettes engrangées par l'État, menaçant l'équilibre budgétaire et la réduction du déficit. Le Haut Conseil des finances publiques a d'ailleurs déjà averti le gouvernement qu'il jugeait ses prédictions "trop optimistes".
" Les prévisions de l'Insee ne remettent en cause ni notre objectif de déficit public pour 2016, ni notre prévision de croissance pour 2017. "
Quid du déficit ? Or, 2017 est une échéance très importante pour Paris, qui se doit, conformément aux engagements pris auprès de ses partenaires européens, de faire (enfin) passer son déficit sous la barre des 3%. Les nouvelles prévisions de l'Insee pourraient-elles compromettre les chances de la France ? Bercy s'en défend. "La croissance française reste solide", a assuré Michel Sapin, jeudi. "Les prévisions de l'Insee ne remettent en cause ni notre objectif de déficit public pour 2016 [3,3%], ni notre prévision de croissance pour 2017." Mais à Bruxelles, on est moins catégorique. "Mon sentiment, et celui de la Commission européenne à ce stade préliminaire, c'est que le projet de budget pour 2017 devrait pouvoir être en dessous de 3%", a déclaré Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques. On peut difficilement faire plus prudent.
Des difficultés… Pour se rassurer, le gouvernement insiste sur le fait que la conjoncture, au printemps, a été particulièrement difficile pour l'activité économique française. Ce que l'Insee ne conteste pas. "L'effet des grèves a été plus important que prévu", souligne ainsi Vladimir Passeron. "Elles n'ont pas été cantonnées aux raffineries mais ont aussi touché d'autres secteurs, comme la chimie et les transports." En outre, "les dépenses des ménages et des entreprises dans les services, qui tenaient jusque-là un rythme robuste, se sont repliées". Le tourisme a particulièrement souffert des contrecoups des attentats de Bruxelles par exemple. Enfin, les mauvais résultats commerciaux de la France ont tiré l'économie vers le bas. Comme le précise Vladimir Passeron, "sur l'année, ce sont essentiellement les moindres exportations qui pèsent sur la croissance française. Le commerce extérieur ôte 0,4 point de croissance".
" Ce sont essentiellement les moindres exportations qui pèsent sur la croissance française. Le commerce extérieur ôte 0,4 point de croissance. "
…qui restent (souvent) conjoncturelles. Les grèves sont des facteurs conjoncturels, qui n'ont pas vocation à peser durablement sur l'économie. C'est aussi le cas de la peur des attentats, même s'il est toujours possible que d'autres se produisent. Enfin, une partie des mauvais résultats de la balance commerciale française sont dus à des retards pris dans l'aéronautique, retards qui devraient être comblés en fin d'année.
Amélioration en fin d'année. D'ailleurs, les prévisions de l'Insee pour la fin de l'année restent relativement bonnes, même si elles ne suffiront pas à combler le retard pris par l'activité au printemps. "Les premiers indicateurs de l'été sont plutôt encourageants et nous poussent à maintenir une prévision de 0,2% de croissance au troisième trimestre et 0,4% au troisième", confirme Vladimir Passeron, qui prend l'exemple du "climat des affaires". Cet indicateur, qui reflète l'état d'esprit des chefs d'entreprises par rapport à la situation économique, "résiste et n'a pas l'air d'être entamé par les incertitudes" politiques, notamment liées au Brexit.
Enfin, l'Insee a maintenu ses prévisions en termes d'emploi et de chômage. "Jusqu'ici, on ne s'est pas beaucoup trompés sur la dynamique. On reste donc modérément optimistes pour le second semestre, avec une légère baisse prévue du taux de chômage", détaille Vladimir Passeron. Il devrait passer à 9,8% de la population active, contre 9,9% mi-2016.