Muriel Pénicaud a promis un "big bang" : la ministre du Travail dévoile lundi sa réforme de la formation professionnelle, censée donner plus de droits aux salariés, mais aussi simplifier drastiquement le système, au risque de fâcher les partenaires sociaux.
Une réforme selon l'accord signé avec les syndicats et le patronat. Les annonces attendues dans la matinée s'inscriront dans un projet de loi destiné à apporter plus de sécurité aux salariés, qui contiendra aussi des volets "apprentissage" et "assurance chômage". Le texte, qui devrait être présenté mi-avril en Conseil des ministres, complétera les ordonnances réformant le code du Travail, entrées en vigueur fin 2017 et qui donnaient plus de souplesse aux entreprises. Le volet "formation professionnelle" va "largement s'appuyer" sur l'accord conclu le 22 février par les syndicats et le patronat, selon la ministre.
Davantage d'heures de formation et une réforme de l'alternance. Ce texte, âprement négocié pendant trois mois, contient, entre autres, un renforcement du compte personnel de formation (CPF), qui permettra aux salariés de cumuler davantage d'heures de formation (35 heures au lieu de 24, dans la limite de 400 heures au lieu de 150), une absorption dans le CPF du congé individuel de formation (CIF), un dispositif notamment dédié aux reconversions, un financement spécifique pour le conseil en évolution professionnel (CEP) et une réforme de l'alternance.
ENQUÊTE - Les 4 chiffres sur le juteux business de la formation professionnelle :
Le gouvernement va s'attaquer à la "tuyauterie". Il s'agit d'une "très grande avancée pour développer les droits individuels des salariés et demandeurs d'emploi", a salué Muriel Pénicaud vendredi. Mais pour la ministre, le compte n'y est pas sur la remise à plat du système, d'une "complexité inouïe". Le gouvernement entend s'attaquer à la "tuyauterie", au "back-office", à "l'organisation du système qui fait que les droits restent fictifs ou deviennent réels", selon son cabinet. La ministre promet ni plus ni moins qu'un "big bang".
Des réticences du côté des syndicats. Cette annonce choc a braqué syndicats et patronat. Très amers, certains y ont vu du "mépris". "Madame la ministre devrait faire attention que son 'big bang' ne lui revienne pas comme un boomerang", a prévenu Michel Beaugas (FO). "Attention" à ne pas se mettre "davantage à travailler sur la tuyauterie que sur le réel des gens", a mis en garde samedi Laurent Berger (CFDT).
Les partenaires sociaux avaient choisi de s'inscrire dans la continuité de la réforme de 2014, qui avait créé le CPF et le conseil en évolution professionnelle. La CFDT et le Medef ont insisté sur le fait que le "big bang" n'était "pas dans le document d'orientation du gouvernement" envoyé mi-novembre.
Une modification du rôle des Opca ? Le député LREM Sylvain Maillard expliquait la semaine dernière que le gouvernement devrait modifier le rôle des Opca, les organismes paritaires aujourd'hui chargés de la collecte et de la gestion des cotisations formation des entreprises. Les Opca, accusées d'être "juges et parties", perdraient la collecte, qui serait assurée par les Urssaf, et devraient se recentrer sur "le conseil" aux salariés et la "montée en qualité des organismes de formation". Dans leur accord, syndicats et patronat souhaitaient que les Opca continuent de collecter les fonds, dans un souci "d'efficacité et de visibilité".