1:38
  • Copié
avec AFP / Crédits photo : Kirill KUDRYAVTSEV / AFP , modifié à
La Banque centrale européenne (BCE) a commencé jeudi à abaisser ses taux directeurs : le taux sur les dépôts de 4%, son plus haut atteint en septembre dernier, a été ramené à 3,75%. Cela doit offrir un léger bol d'air pour apaiser les tensions sur le crédit immobilier et les prêts aux entreprises.

Après une phase inédite de durcissement monétaire, la Banque centrale européenne (BCE) a commencé jeudi à abaisser ses taux directeurs, offrant un léger bol d'air pour apaiser les tensions sur le crédit immobilier et les prêts aux entreprises. Servant de référence, le taux sur les dépôts de 4%, son plus haut atteint en septembre dernier, a été ramené à 3,75%, selon un communiqué de l'institution.

La BCE voit encore l'inflation "rester supérieure à l'objectif" de 2% en 2025

Le recul notable de l'inflation en zone euro depuis le pic atteint à l'automne 2022, en affichant 2,6% en mai, a fini par convaincre le conseil des gouverneurs de la BCE de relâcher la bride monétaire à compter de juin, au sortir d'un cycle de relèvement des taux sans précédent lancé en juillet 2022, puis neuf mois de pause à des niveaux record.

Néanmoins, la BCE voit encore l'inflation "rester supérieure à l'objectif" de 2% et ce, "pendant une grande partie de l'année prochaine". En cause, les tensions sur les prix d'origine interne qui restent fortes, surtout dans les services, en raison de la croissance élevée des salaires.

L'institut a donc revu à la hausse ses prévisions d'inflation par rapport à celle de mars, voyant l'agrégat en moyenne à 2,5% en 2024 et 2,2% en 2025, enfin 1,9% en 2026. S'agissant de l'évolution des prix hors énergie et produits alimentaires, la hausse moyenne sera de 2,8% en 2024, 2,2% en 2025 et 2,0% en 2026. La dernière baisse des taux de la BCE remonte à presque cinq ans, en septembre 2019.

 

En matière d'inflation, prochains mois "mouvementés", affirme Christine Lagarde

L'inflation redescend en zone euro, mais "les prochains mois continueront d'être mouvementés", a affirmé jeudi Christine Lagarde, la présidente de la BCE, laissant entendre que l'institut devrait faire preuve de prudence en matière de politique de taux. Il y a "des obstacles sur la route qui peuvent surprendre" et "dont nous ne sommes pas totalement sûrs de [l']ampleur", a ajouté la banquière centrale, après que l'institut a abaissé pour la première fois ses taux directeurs depuis 2019.

La vitesse et la durée des futures baisses des taux de la Banque centrale européenne (BCE) sont encore "très incertaines" a également prévenu jeudi sa présidente, après avoir annoncé une première réduction de 0,25 point de base. "C'est un processus qui est en cours (...), ce qui est incertain, c'est la vitesse à laquelle nous iront, et le temps que cela prendra", a-t-elle détaillé lors d'une conférence de presse, estimant que le chemin serait "mouvementé", ces prochains mois en matière d'inflation.

Vers un choc psychologique précurseur d'une reprise de l'activité ?

La question est de savoir si le timide mouvement opéré jeudi va créer un choc psychologique précurseur d'une reprise de l'activité, le tout sans voir l'inflation repartir à la hausse. L'impact le plus visible devrait concerner le marché de l'immobilier, où les emprunteurs, surtout ceux à taux variable, ont été pris à la gorge par la hausse brutale des taux. Celle-ci a provoqué un écroulement du volume des nouveaux prêts aux ménages candidats à l'achat d'un logement, sans avoir un effet significatif sur les prix des logements.

Des perspectives de baisse des taux peuvent donc "alléger le marasme du marché immobilier, dont la reprise peut soutenir quelque peu la croissance", note Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management .

La hausse des taux a eu peu d'effet sur le volume des nouveaux prêts à la consommation

La hausse passée des taux a eu en revanche peu d'effet sur le volume des nouveaux prêts à la consommation, et les ménages délieront à nouveau leur bourse en fonction d'abord du "pouvoir d'achat, soit la capacité des salaires à rattraper l'inflation passée, plutôt que des taux d'intérêt", ajoute Eric Dor.

Quant aux prêts des banques aux entreprises, au plus bas pendant la phase de durcissement monétaire, le rebond devrait surtout provenir de meilleures perspectives économiques et de la compétitivité, qui s'est détériorée en zone euro à cause des prix d'énergie élevés.

Pour que les taux du crédit diminuent fortement au bénéfice des ménages et des entreprises, il faudrait que la BCE "laisse entendre clairement qu'elle s'engage sur une série de baisses successives des taux", conclut Eric Dor.

La Fed devancée

Or, dans un contexte économique encore pétri d'incertitudes, la BCE n'a donné jeudi aucune indication sur la suite du nouveau cycle de baisse des taux, continuant à affirmer que cela dépendra des données économiques disponibles réunion après réunion.

L'institution de Francfort a toutefois brûlé jeudi la politesse pour la première fois de son histoire à sa grande sœur d'Amérique, la Réserve fédérale (Fed). Cette dernière va devoir patienter pour assouplir sa politique car l'économie dynamique des États-Unis s'accompagne d'une courbe des prix plus tenace. La BCE, si elle abaisse ses taux plus vite, pourrait faire chuter l'euro, favorisant les exportations. Mais cela renchérirait aussi les importations, conduisant à de nouveau alimenter l'inflation.