La Banque centrale européenne a repris jeudi sa politique d'assouplissement du crédit à petits pas, procédant à une deuxième baisse de taux en trois mois mais sans donner d'indication sur sa stratégie pour la suite. Le taux de dépôt, qui fait référence car les banques disposent encore des liquidités abondantes fournies par la BCE pendant les années de crise, a été comme attendu réduit de 25 points de base pour atteindre 3,50%.
Le recul de l'inflation, à 2,2% en août en zone euro, plaidait en faveur d'un nouvel assouplissement, après celui de juin, de même que l'atonie de l'activité économique en Europe. "Il est aujourd'hui opportun de faire un nouveau pas dans la réduction du caractère restrictif de la politique monétaire", ont estimé les gardiens de l'euro dans leur décision.
Pas de raison d'accélérer le rythme des baisses de taux
Le calendrier de baisses de taux supplémentaires reste incertain : comme attendu, le Conseil des gouverneurs n'a pas communiqué d'indications sur le rythme de l'assouplissement monétaire. "La croissance des salaires dépassant largement celle de la productivité et l'inflation des services repartant à la hausse, le conseil des gouverneurs n'a aucune raison d'accélérer le rythme des baisses de taux ou de s'engager sur de nouvelles baisses de taux à ce stade", commente Sylvain Broyer, chef économiste chez S&P Global Ratings.
En abaissant son taux de référence, la BCE va influencer les conditions auxquelles les banques se prêtent entre elles et, par conséquent, les conditions d'emprunts, offrant un léger bol d'air pour apaiser les tensions sur le crédit immobilier et les prêts aux entreprises.
Après une phase de renchérissement du crédit sans précédent pour lutter contre une inflation exceptionnellement élevée, à la suite notamment de la guerre russe en Ukraine, les gardiens de l'euro avaient baissé les taux en juin pour la première fois depuis cinq ans. Ils avaient alors pris de vitesse la Réserve fédérale américaine. Celle-ci devrait décider de sa première baisse de taux le 18 septembre, après avoir élevé le loyer de l'argent à des niveaux inédits depuis 2001.
Ralentissement des hausses de salaire
La BCE avait observé une pause en juillet, mais le contexte économique l'a poussée de nouveau à l'action : l'inflation est tombée sous la cible de 2% dans les deux principales économies, la France et l'Allemagne, alors que les hausses de salaires commencent à ralentir. De plus, la croissance économique dans la zone euro a été légèrement révisée à la baisse, à 0,2% pour le deuxième trimestre 2024.
Les déclarations devant la presse de la présidente de la BCE jeudi après-midi sont scrutées pour déceler de quel côté penche la "balance des risques", un sujet "pas encore consensuel" entre banquiers centraux de la zone euro, déclare à l'AFP Gilles Moec, chef économiste d'Axa.
Les gouvernements doivent agir "maintenant" pour réduire les déficits budgétaires, dit Lagarde
La présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde a appelé jeudi les gouvernements en zone euro à lancer "maintenant" les réformes en vue de réduire leurs déficits budgétaires. La mise en œuvre des règles de l'Union européenne "de manière complète, transparente et sans délai aidera les gouvernements à réduire les déficits budgétaires et les ratios d'endettement", a déclaré Christine Lagarde. "Les gouvernements devraient maintenant s'engager résolument dans la voie de leurs plans à moyen terme en matière de politiques budgétaires et structurelles".
Le débat oppose "ceux qui commencent a s'inquiéter d'un ralentissement prononcé de la demande", justifiant d'assouplir rapidement le coût du crédit, et "ceux qui considèrent que la remontée du pouvoir d'achat, permise par la désinflation, permettra de soutenir la consommation et qu'il n'y a donc pas d'urgence a agir de manière forte", explique-t-il.
Éviter une volatilité des taux sur le marché interbancaire
Les nouvelles projections économiques publiées jeudi par la BCE ne donnent pas une indication claire : léger ajustement à la baisse de la croissance, maintien des anticipations d'inflation pour 2024 à 2026. Isabel Schnabel, membre du directoire de la BCE, a récemment appelé à une approche prudente et progressive sur les taux pour éviter un retour de l'inflation.
>> LIRE AUSSI - Économie : l'inquiétude grandissante des grandes surfaces face à la baisse de consommation
Détail technique des décisions du jour : l'écart entre le taux de dépôt et le taux de refinancement des banques à une semaine a été réduit, passant de 50 à 15 points de base. Le but de ce changement, annoncé en mars, est d'éviter une volatilité des taux sur le marché interbancaire quand la BCE aura réduit l'excès de liquidités dans le secteur bancaire, un processus qui devrait prendre des années mais que l'institut veut anticiper.
Le taux des opérations de refinancement (MRO), que les banques paient si elles doivent emprunter de l'argent à la BCE pour une semaine, est ainsi retombé à 3,65%, et celui sur les allocations sur un jour (MLF) à 3,90%.
Le rapport Draghi sur l'économie de l'UE est "sévère mais juste", estime Lagarde
Le diagnostic posé sur l'économie européenne par le rapport de Mario Draghi est "sévère mais juste", a estimé jeudi la présidente de la BCE, Christine Lagarde, appelant les gouvernements à se saisir des propositions faites dans ce document. "Il s'agit d'un rapport formidable en ce sens qu'il pose un diagnostic sévère mais juste à nos yeux et qu'il indique également des réformes structurelles (...) qui pourraient être extrêmement utiles pour que l'Europe soit plus forte", a déclaré Christine Lagarde devant la presse.