Sujet souvent délicat, l'application de la laïcité en entreprise se règle parfois devant les tribunaux. Il y a quelques semaines, la Cour de cassation a ainsi dû se prononcer sur le cas d'une salariée d'un magasin de vêtement, licenciée pour avoir refusé de retirer son voile sur son lieu de travail. Et les juges ont donné raison à la salariée, annulant le licenciement, en s'appuyant notamment sur le fait que le règlement intérieur de l'entreprise ne contenait aucune clause relative à la neutralité religieuse.
Que s'est-il passé dans cette affaire ?
Une salariée vendeuse dans un magasin de vêtements avait repris son poste après un congé parental d’éducation. Le jour de la reprise, elle portait un foulard religieux, ce qui avait fait réagir son employeur qui lui avait alors demandé de le retirer, invoquant l’image de l’entreprise et son retentissement possible sur la clientèle. La salariée n’avait pas obtempéré pas et, après avoir été mise à pied, avait été licenciée.
Une procédure de contestation du licenciement a ensuite été initiée par la salariée, s’estimant victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, et demandant à la justice de déclarer nul son licenciement. Pour lui donner raison, la justice s'est appuyée sur une décision de la Cour de justice l'Union européenne rendue en 2017, qui avait posé comme condition de refus possible du port du voile dans l’entreprise la présence impérative d’une clause de neutralité insérée dans le règlement intérieur de l’entreprise (une note de service peut également faire l’affaire), ce qui manquait dans l’affaire en question, où la décision de nullité du licenciement vient d’être rendue
Que doit exprimer précisément cette clause ?
La clause de neutralité, qui doit être écrite, doit interdire le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, et doit s’appliquer à tous les salariés en contact avec la clientèle, et pas seulement à certains.
Sans clause, l'employeur ne peut donc pas s'opposer au port du voile au travail ?
Non, à une nuance près. L’employeur qui peut démontrer que le port du foulard nuit concrètement et objectivement à l’entreprise peut être fondé à licencier en justifiant d’un préjudice quantifiable et réel. En revanche, invoquer l’image de son entreprise en supputant une éventuelle contrariété de la clientèle et les attentes présumées de cette même clientèle ne constitue qu’un potentiel préjudice commercial. Donc pour les employeurs préoccupés par cette question, une clause de neutralité doit impérativement figurer dans le règlement intérieur.