Le pouvoir d’achat est au cœur de la campagne présidentielle. Du revenu universel de Benoît Hamon à la prime de Marine Le Pen en passant par la revalorisation du Smic de Jean-Luc Mélenchon, la plupart des candidats propose de donner un coup de pouce financier aux ménages. Les électeurs en ont d’ailleurs fait une priorité : 81% des Français ont le sentiment que leur pouvoir d’achat a baissé au cours des dernières années, selon un récent sondage Ipsos Sopra Steria.
Inversion de la courbe du pouvoir d’achat. Mais le sentiment des Français ne se vérifie pas vraiment dans les faits, si l’on se fie aux données de l’Insee. Chaque année, l’institut publie sa mesure du pouvoir d’achat, calculée à partir du revenu disponible brut (ce dont nous disposons pour consommer et épargner) et de l’évolution du prix des dépenses des ménages. Il apparaît que le quinquennat de François Hollande a fort mal commencé puisque le pouvoir d’achat a baissé les deux premières années. Mais depuis 2014, la courbe s’est inversée et le pouvoir d’achat augmente plus vite que l’inflation : +1,6% en 2015 et +1,9% en 2016.
Une mesure plus précise. Cette mesure du pouvoir d’achat est néanmoins critiquable puisqu’elle repose sur des indicateurs nationaux. Pour obtenir une mesure plus précise, l’Insee calcule le pouvoir d’achat "arbitrable", qui exclut du revenu disponible brut les dépenses "pré-engagées" : loyer, Internet, forfait de téléphone… Cet indicateur va dans le même sens que le pouvoir d’achat classique, à la différence près que les hausses et les baisses sont accentuées. Ainsi, en 2015, le pouvoir d’achat arbitrable avait augmenté de 2,1%, contre 1,6% pour la mesure simplifiée.
Hausse moins forte qu’avant la crise. Le pouvoir d’achat, brut ou arbitrable, a donc plutôt augmenté sous le quinquennat de François Hollande, en particulier depuis 2014. En revanche, il est vrai qu’il n’a pas retrouvé le rythme d’augmentation qui était le sien avant la crise économique. Entre 2000 et 2008, il augmentait régulièrement de 2 ou 3% par an. Une hausse imputable à la forte progression du revenu disponible brut sur cette période, jusqu’à 5% certaines années. D’où le sentiment diffus chez les Français que le pouvoir d’achat baisse alors qu’en réalité, il augmente simplement moins vite. Sentiment renforcé par les baisses de 2012 et 2013 qui étaient inédites depuis trente ans.
Les ménages modestes souffrent plus. Un autre facteur explique l’impression qu’ont les Français que leur pouvoir d’achat baisse : les inégalités. En effet, les mesures de l’Insee restent des vues d’ensemble, elles ne tiennent pas compte des inégalités réelles. Or, tout le monde n’est pas impacté de la même façon par les évolutions des salaires et des prix. L’Insee a ainsi démontré que, de manière générale, les ménages les plus modestes sont ceux qui subissent le plus la hausse des prix. En cause, leur consommation qui diffère de celles des ménages plus aisés et la part plus importante du loyer, de l’électricité, etc. dans leur budget.
Le pouvoir d’achat des Français les plus modestes a donc plus probablement stagné durant le mandat de François Hollande mais il est impossible de mettre un chiffre précis sur leur sentiment. Tout juste peut-on dire que les maigres coups de pouce au Smic accordés par le gouvernement (+3,8% en cinq ans) n’ont pas compensé l’inflation (4% en cumulé) et n’ont pas permis de revaloriser le pouvoir d’achat des plus modestes.