On s'y attendait, les dernières estimations de l'Insee n'ont fait que confirmer la mauvaise nouvelle : la croissance française subit un gros coup de mou au premier trimestre 2018. Après cinq trimestres consécutifs de croissance supérieure ou égale à 0,5%, l'institut statistique table cette fois sur une hausse du PIB de 0,3%. Un chiffre légèrement inférieur à sa prévision, publiée le 20 mars, à 0,4%.
Qu'est-ce qui explique ce coup de frein ?
- Les dépenses des ménages
Selon l'Insee, le faible dynamisme des dépenses des ménages, qualifiées d'"atones" par l'institut, est à l'origine de ce ralentissement. En clair, les Français ont dépensé moins d'argent pour leurs besoins quotidiens : nourriture, vêtements, loyers, énergie, transport, santé, loisirs… Ces dépenses représentent généralement environ 60 % du PIB, et constituent donc une variable essentielle pour l'analyse économique de la demande. Or, au premier trimestre, malgré un rebond marqué de la consommation en énergie lié à la baisse des températures en février et mars (+1,4% après -0,6%), elles n'ont augmenté que de 0,2%, soit le même rythme qu'au dernier trimestre 2017.
Selon Eric Heyer, chercheur à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce ralentissement peut être attribué en partie au calendrier fiscal du gouvernement. Les mesures ayant un impact négatif sur le pouvoir d'achat, comme la hausse de la CSG, sont en effet entrées en vigueur en début d'année.
- L'investissement et la production
Autre explication possible à ce coup de mou : le ralentissement de l'investissement, à tous les niveaux. Du côté des ménages, il n'a augmenté que de 0,5%, contre 0,6% au précédent trimestre. L'écart se voit surtout au niveau des entreprises. À l'automne 2017, l'investissement connaissait une belle embellie, avec une hausse de 1,6%. Au dernier trimestre, l'investissement n'a progressé que de 0,5%, selon l'Insee.
Dans ce contexte, la production totale de biens et services a nettement ralenti, avec une progression de 0,3% au lieu des 0,9% de fin 2017.
- Le commerce extérieur
L'économie française n'a pas pu compter sur ses exportations pour redonner de l'élan à la croissance, en ce début d'année. Après une hausse de 2,5% au précédent trimestre, elles ont reculé de 0,1% début 2018. Côté importations, l'Insee a enregistré une croissance nulle au cours des trois derniers mois, après une hausse de 0,4%. In fine, le commerce extérieur a eu un effet "nul" sur la croissance, selon l'Insee.
Faut-il s'inquiéter ?
À en croire le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, ce ralentissement n'a "rien de surprenant", il est même quasiment mécanique. "La réalité, c'est qu'il y a eu un quatrième trimestre 2017 qui a été excellent. Comme toujours, lorsqu'il y a eu un très bon chiffre de croissance, il y a un léger tassement ensuite. Il n'y a rien de très surprenant à tout cela", a-t-il déclaré à son arrivée à une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Sofia. Hélène Baudchon, économiste chez BNP Paribas, estime quant à elle qu'il n'est "pas aberrant qu'il y ait un essoufflement", "après une série de trimestres marqués par des hausses soutenues". "À ce stade, il n'y a pas de raison de s'inquiéter. Les fondamentaux économiques restent favorables : ce ralentissement s'apparente donc à quelque chose de ponctuel", juge Hélène Baudchon.
Par ailleurs, si les mesures ayant un impact négatif sur le pouvoir d'achat sont entrées en vigueur en début d'année, celles qui lui sont favorables, comme la baisse de 30% de la taxe d'habitation pour 80% des ménages, interviendront fin 2018. "Cela permet d'envisager un rebond de la consommation en fin d'année", avance Eric Heyer.
Pour autant, Daniel Fortin suggère dans son édito vendredi matin, de veiller aux conséquences d'une éventuelle "guerre commerciale" entre les Etats-Unis et l'Europe, tout comme aux conséquences des grèves SNCF et Air France :
Ce coup de mou général avait été largement anticipé par les économistes. Tous s'accordent à dire qu'il ne remet toutefois pas en cause la croissance prévue pour l'ensemble de l'année 2018, qui devrait bénéficier de l'élan de 2017 (où le PIB avait enregistré une hausse de 2%). Selon l'Insee, l'"acquis de croissance" - c'est-à-dire le niveau que le PIB atteindrait si l'activité devait stagner d'ici à la fin de l'année - est d'ores et déjà de 1,2%.