La Cour des comptes a publié mercredi son rapport annuel 2019, qui met en lumière des exemples de mauvaise gestion de l'argent public. Voici les points marquants identifiés cette année par les magistrats financiers.
Faire évoluer les urgences hospitalières
Les services d'urgence "à l'activité insuffisante" doivent "évoluer" par "tous les leviers disponibles", quitte à permettre "des fermetures nocturnes aujourd'hui non autorisées", estime la Cour des comptes dans son rapport. Cinq ans après son précédent diagnostic, les urgences hospitalières sont "toujours trop sollicitées" : leur fréquentation a augmenté de 3,6% par an en moyenne, atteignant 21,2 millions de passages en 2016, alors que le nombre de sites (641) "est demeuré stable".
Fermer les urgences de nuit. Les magistrats financiers recommandent au gouvernement de "faire évoluer les services d'urgence à l'activité insuffisante en utilisant tous les leviers disponibles", y compris leur "fermeture" ou leur "transformation en centre de soins non programmés". Sont particulièrement visés ceux "dont la faible activité, notamment en 'nuit profonde' (de minuit à 8 heures, ndlr), ne permet plus d'assurer la permanence des soins dans des conditions financièrement supportables".
Solliciter davantage les infirmières. Les auteurs veulent en outre "promouvoir la délégation de tâches" aux infirmières, constatant qu'elles administrent déjà "de fait" des antidouleurs "dans de nombreux services d'urgence" et qu'elles sont parfois autorisées à prescrire des radios ou à poser des "dispositifs d'immobilisation" (attelle, minerve, écharpe...).
L'Etat "mal armé" pour gérer les trains Intercités
La Cour des comptes juge que l'Etat est "mal armé" pour conserver la gestion des Intercités et trains de nuit, en raison notamment "de la faiblesse des moyens qu'il peut y consacrer". Elle suggère un transfert des "lignes d'aménagement du territoire" (Nantes-Lyon, Nantes-Bordeaux, Toulouse-Hendaye) aux régions concernées et une exploitation sans convention des trains de nuit et des "lignes structurantes" (Paris-Toulouse, Paris-Clermont, Bordeaux-Toulouse-Marseille) "par la SNCF ou ses futurs concurrents".
EDF pointé du doigt pour les avantages octroyés à ses employés
EDF doit supprimer l'"avantage énergie" qu'il offre à ses employés et ex-salariés, un bénéfice "sans équivalent" qui se chiffre en milliards d'euros et contribue à plomber les finances du groupe français, estime la Cour. La gratuité de l'abonnement, la fourniture de l'électricité pour environ 4% du tarif de base et l'exonération des taxes sont actuellement offertes aux agents en activité ainsi qu'aux agents retraités pouvant justifier d'au moins 15 ans de services.
Des sanctions insuffisantes pour les travailleurs détachés
Alors qu'il n'y a jamais eu autant de travailleurs détachés en France (516.000 en 2017), la Cour se réjouit du "renforcement" de l'arsenal juridique et de "la priorité assignée à l'inspection du travail" (près de 1.000 contrôles par mois en 2017), mais elle déplore des sanctions insuffisantes, avec notamment un "nombre élevé d'affaires classées sans suite" par les parquets.
La sécurité alimentaire : encore des zones d'ombre
La France a progressé en matière de sécurité alimentaire : la Cour des comptes estime néanmoins que les contrôles sont mieux ciblés qu'auparavant. Mais quelques zones d'ombres demeurent, telles les procédures de retrait-rappel qui demeurent "inefficaces", selon la Cour des comptes, qui fait référence à l'affaire Lactalis. "Malgré trois demandes de retrait successives de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes), ayant concerné un total de plus de 1.300 lots de lait infantile, des lots de produits incriminés étaient toujours en vente dans plus de 90 établissements parmi ceux inspectés", rappelle la Cour.
Blocage en caisse. L'institution financière prône notamment, comme le Conseil national de la consommation dans un rapport publié en juillet, le blocage en caisse des produits concernés et la publication des retraits-rappels sur un site internet unique.
Dans les pompes funèbres, un manque de transparence
"Insuffisamment contrôlé", le secteur des pompes funèbres manque de transparence en France, selon la Cour, qui analyse l'évolution du domaine funéraire au cours des 25 dernières années. Pour améliorer cette transparence et mieux contenir les hausses de prix, les magistrats recommandent à l'Etat de renforcer les contrôles des entreprises et de muscler la législation.
Ariane 6 doit miser sur "le réutilisable"
Le futur lanceur Ariane 6 devra évoluer rapidement pour rester compétitif face à la concurrence américaine, estime la Cour. Pour l'institution de la rue Cambon, "les Européens n'ont d'autre choix que de mettre des moyens en adéquation avec leur ambition et d'unir leurs efforts alors que les Etats seuls ne disposent plus des moyens budgétaires suffisants pour faire face à cette compétition stratégique globale".
Concurrence féroce. L'arrivée de nouveaux acteurs, publics avec des Etats (Russie, Japon, Chine et Inde), privés avec les GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple), "attirés par les potentialités nouvelles de l'espace", a bouleversé le paysage de l'industrie spatiale. La Cour rappelle ainsi qu'un effort budgétaire "massif" a conduit à l'émergence de SpaceX.
Ariane 6 "ne sera pas durablement compétitif". Pour préserver ce rang, le lanceur Ariane 6, qui sera opérationnel en 2020, "doit évoluer rapidement pour rester compétitif", notamment grâce au réutilisable, poursuit la Cour. "Même si l'ambitieux calendrier de développement d'Ariane 6 est respecté, il y a un risque important que le lanceur ne soit pas durablement compétitif face à SpaceX, qui continue de progresser", poursuit-elle en insistant sur le fait qu'Arianespace ne bénéficie pas d'une commande publique "comparable à celle de SpaceX".
En outre-mer, des "défaillances de gestion"
En outre-mer, les Fonds européens structurels et d'investissements (FESI) sont très utilisés, mais la volonté de consommer à tout prix ces crédits conduit parfois à "des défaillances de gestion" et à un "manque de transparence", regrettent les magistrats financiers.
Six territoires ultramarins français (Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion, Mayotte et Saint-Martin) bénéficient particulièrement de ces fonds : alors qu'ils ne représentent que 3,2 % de la population nationale, ils recueillent près d'un cinquième des financements des FESI attribués à la France, soit 3,9 milliards d'euros pour la période 2007-2013 et 4,8 milliards pour 2014-2020. Mais "dans l'ensemble, les autorités de gestion et les services instructeurs ont concentré de façon excessive leur attention sur les moyens de consommer ces financements, ce qui a pu les amener à privilégier la dépense par rapport à la mesure de la performance et au contrôle des risques d'irrégularité", ajoute la Cour.
Radio France
La "Maison Ronde" a fait des progrès en matière d'audience et de gestion depuis 2015, mais la Cour des comptes l'appelle à se réformer pour sortir d'une situation financière "inquiétante". Les magistrats financiers lui suggèrent par exemple de cesser de diffuser Mouv' sur la FM, de mieux suivre son pharaonique chantier de rénovation et d'augmenter le temps de travail des salariés.
Le Mobilier national remplit "mal" ses missions
Collections insuffisamment documentées et mal entretenues, défaillances dans la mise en oeuvre des missions ou gestion "sclérosée" de ses 350 agents : le Mobilier national, chargé de l'ameublement des résidences présidentielles et de l'entretien du patrimoine d'Etat est "à bout de souffle", selon la Cour. Le rapport pointe aussi un "taux d'absentéisme singulièrement élevé", des "quantités importantes d'alcool" sur les lieux du travail ou encore "la perruque", c'est-à-dire l'utilisation par des employés des outils pour effectuer des travaux autres que ceux pour lesquels ils sont payés. Les principales missions confiée au MNGBS "sont mal remplies, qu'il s'agisse de la gestion des collections, de leur entretien, de leur enrichissement comme de leur valorisation ou de celle de ses savoir-faire", martèle la Cour.
La Cour des Comptes appelle donc l'Etat à "engager sans plus attendre la redynamisation des activités du MNGBS (le Mobilier national et les Manufactures nationales des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie)". Le ministère de la Culture n'a pas répondu aux conclusions du rapport.