L'Insee dévoile mercredi sa première estimation de la croissance française pour 2018, attendue en nette baisse par rapport à 2017, dans un contexte de tensions sur l'économie mondiale et d'inquiétudes quant à l'impact du mouvement des "gilets jaunes".
"Une cassure". Consommation qui patine, chômage qui peine à refluer... "L'activité a connu un gros coup de frein", avec un "décrochage très net début 2018", souligne Mathieu Plane, économiste à l'Observatoire français de la conjoncture économique (OFCE). En douze mois, "le climat a clairement changé", abonde Olivier Passet, directeur des études à Xerfi. "Il y a un an, personne n'imaginait une telle cassure", ajoute-t-il.
1,5% de croissance ? Dans sa dernière note de conjoncture, publiée mi-décembre, l'Insee a évalué à 1,5% la croissance qui pourrait être atteinte sur la deuxième année du quinquennat Macron. Un chiffre inférieur de 0,8 point aux 2,3% atteints en 2017. Le gouvernement, qui prévoyait à l'origine une hausse du produit intérieur brut (PIB) de 2%, table de son côté sur 1,7%. Mais Bercy n'a pas écarté un résultat final moins élevé, au vu des mauvais résultats enregistrés ces derniers mois par l'économie tricolore.
"La croissance a été très faible lors des trois premiers trimestres (0,2% aux premier et au deuxième, 0,3% au troisième, NDLR) et les perspectives pour le quatrième trimestre ne sont pas bonnes", rappelle Mathieu Plane. Selon l'Insee, la hausse du PIB ne devrait pas dépasser 0,2% sur les trois derniers mois de l'année, malgré un renforcement du pouvoir d'achat liée à la baisse de la taxe d'habitation pour 80% des ménages, entrée en vigueur à l'automne. Cette estimation est conforme à l'hypothèse de la Banque de France, qui a révisé mi-décembre de 0,4% à 0,2% sa prévision pour le quatrième trimestre 2018, en raison des conséquences du mouvement des "gilets jaunes" sur l'activité.
Un ralentissement à l'échelle mondiale. Quel sera l'impact exact de ce mouvement sur la croissance ? "Il faut s'attendre à un effet non négligeable", mais "difficile à quantifier", estime Mathieu Plane, qui rappelle que cette crise vient s'ajouter "à de multiples facteurs" venus fragiliser l'activité ces derniers mois. En cause : le ralentissement de l'activité au niveau international, et notamment en Allemagne, premier partenaire économique de la France, dans un contexte de tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis et d'incertitudes sur le Brexit. "Une récession mondiale n'est pas au coin de la rue mais le risque d'un recul plus prononcé de la croissance mondiale a augmenté", a averti à Davos la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde.
Le point noir de la France : la consommation. Autre point noir, plus spécifique à la France : la consommation, décevante tout au long de l'année, en raison notamment de la flambée des prix du pétrole. "Cela a pesé sur le pouvoir d'achat", en dopant "l'inflation", observe Olivier Passet. Le calendrier fiscal du gouvernement, qui a choisi de concentrer en début d'année les hausses d'impôts et en fin d'année les allègements fiscaux, n'a rien arrangé. Certains fondamentaux économiques sont néanmoins restés bien orientés, à l'image de l'investissement des entreprises, qui devrait augmenter de 3,8% sur l'ensemble de l'année 2018, après avoir déjà grimpé de 4,4% en 2017, d'après l'Insee.