Alors que le gouvernement a annoncé son intention de remplacer l'Impôt sur la Fortune par un impôt sur la fortune immobilière (IFI), cette réforme indigne certains et en inquiète d'autres. Parmi les voix qui s'élèvent contre cette suppression, celle de l'économiste Thomas Piketty. Dans une chronique du Monde, il évoque "une lourde faute morale, économique et politique".
Une décision "à côté de la plaque". "Cette décision montre une profonde incompréhension des défis inégalitaires posés par la mondialisation", assure-t-il en préambule. La création de l'ISF participait à un mouvement international qui tentait de réduire les inégalités et de développer une nouvelle forme de redistribution. Un mouvement que l'on retrouve aujourd'hui, assure l'économiste. "Supprimer l'ISF en France aujourd'hui (...) est totalement à côté de la plaque."
40% du budget de l'enseignement supérieur. "Cela n'a aucun sens de faire des cadeaux fiscaux aux groupes âgés et fortunés qui ont déjà beaucoup prospéré ces dernières décennies", estime Thomas Piketty. Il rappelle par ailleurs que les pertes de recettes pour l'État avec cette suppression s'élèveront à cinq milliards d'euros, soit 40% du budget total accordé aux universités et à l'enseignement supérieur.
L'argument de "fuite fiscale" ne tient pas. Thomas Piketty poursuit en réfutant l'argument du gouvernement qui souhaite par cette mesure mettre fin à une hémorragie fiscale. Chiffres à l'appui tirés de la base de données publique wid.world, il démontre que "les hauts patrimoines financiers ont progressé encore plus vite que les actifs immobiliers". Il cite par exemple le revenu moyen par adulte qui est passé de 25.000 à 33.000 euros entre 1980 et 2016, soit une augmentation d'environ 30%.
"On reste sans voix". Partant de ces différents éléments, Thomas Piketty estime qu'un "impôt sur la fortune avec un taux supérieur de 1,5 % ou 2 % − voire davantage − ne menace pas sérieusement une base fiscale qui progresse à un tel rythme". Quant à la transformation de l'ISF en impôt sur la fortune immobilière (IFI), "on reste sans voix". Selon l'économiste, il n'existe aucune raison à imposer davantage une personne qui investit dans l'immobilier que celle qui consacre sa fortune à un portefeuille financier ou un yacht, conclut-il.