Le conducteur de tramway de Nice, poursuivi pour la mort d'un passager lors d'un freinage d'urgence en 2015, a été condamné jeudi à six mois de prison avec sursis malgré les zones d'ombre soulevées au procès concernant l'éventuelle responsabilité du constructeur Alstom et de la régie municipale.
"Contre toute attente, le tribunal correctionnel a rejeté le supplément d'informations demandé par toutes les parties", a déploré Me Céline Alinot, mandatée par le syndicat CGT, partie civile. Le conducteur "est à bout et il a l'impression d'une injustice énorme", dit-elle. "C'est un jugement scandaleux et inimaginable, une façon peu élégante d'enterrer ce dossier dont l'expertise a été bâclée", a commenté son avocat Me Jacques-Philippe Lammens, qui n'exclut pas de faire appel.
Ne pas "chatouiller les intérêts d'Alstom". L'avocat de la famille de la victime Me Yannick Le Maux a également regretté que "le tribunal ait préféré ne pas chatouiller les intérêts d'Alstom". "Ça coûte moins cher d'indemniser une victime une fois de temps en temps que de refaire tout le système de freinage", dit-il. Lors de l'accident survenu en avril 2015, Jacques Burgède, 76 ans, avait fait une glissade de plus cinq mètres à l'intérieur de la rame, et sa tête avait heurté un poteau. Il était décédé après cinq jours passés à l'hôpital. En 2012 à Montpellier, un freinage similaire avait déjà fait chuter un retraité de 72 ans, qui était lui aussi mort après un choc violent reçu à la tête dans l'accident.
Le système de veille automatique en question. Fait rare, le parquet avait renoncé à réclamer une peine contre le conducteur, âgé de 57 ans et sans antécédent, poursuivi pour "homicide involontaire". À l'audience, le parquet avait souhaité que le fabricant Alstom, qui équipe la ville de Nice tout comme une vingtaine de villes en France, s'explique au tribunal, ainsi que la régie municipale niçoise. Selon un ingénieur CNRS cité par la CGT, c'est le système de veille automatique équipant les cabines de conduite et le non-respect d'une norme de sécurité européenne qui sont à blâmer dans l'accident, et non le conducteur.
De nouvelles rames, conçues différemment. Le système de veille, en cours d'abandon sur certains tramways de France, oblige le conducteur à presser sur son volant toutes les 1 à 10 secondes sinon une sonnerie stridente se déclenche puis un freinage automatique brutal qui démultiplie les risques de faire tomber les passagers dans la rame. Pour sa part, Alstom estime qu'il n'a fait que respecter un cahier des charges et qu'il a eu l'aval de l'organisme qualifié agrée (OEQA), du maître d'ouvrage et des autorités de tutelle de l'État. Le constructeur s'apprête néanmoins à livrer des nouvelles rames pour les lignes 2 et 3 du tramway de Nice, conçues différemment et similaires à celles livrées depuis 2003 en Australie.