Saura-t-on enfin ce que Sylvain Jouanneau a fait de son fils, Mathis, 8 ans, disparu depuis septembre 2011. Alors qu’il en avait la garde partagée, ce père de famille n’a jamais ramené son fils à sa mère, restant mutique sur ce qui avait bien pu se passer. Le procès du père du petit Mathis, accusé d'avoir enlevé son fils, s'ouvre donc lundi devant les assises à Caen. Mais l’espoir que l'accusé dise enfin ce qu'il a fait de l'enfant est mince.
>> Europe1 a pu rencontrer la famille de Mathis, désemparée par l’absence de l’enfant, dont personne n'a la moindre idée de ce qu’il a pu devenir.
"Ce qui est terrible c’est de ne pas savoir". Depuis trois ans, les parents de l’accusé, également grands-parents de Mathis, sont hantés par le fait que le petit garçon n’a jamais été aperçu par le moindre témoin. Sylvain Jouanneau, lui, a été repéré à plusieurs reprises, mais toujours seul. Ce qui fait craindre le pire à Jean-Pierre, le grand-père de Mathis.
"Je ne peux pas croire qu’il a emmené Mathis avec la volonté de le supprimer. Ce n’est pas possible. Mais, si le pire a été fait, c’est peut-être par accident : un moment de colère, un mauvais geste. Quand on lui demande (en prison, ndlr) ce qu’il s’est passé, il se ferme, il ne donne aucune explication. Ce qui est terrible c’est de ne pas savoir. C’est affreux", confie-t-il au micro d’Europe 1. Car Sylvain Jouanneau n’a jamais voulu révéler l’identité des tiers à qui il aurait confié son fils. En 2012, il explique ne pouvoir parler pour "protéger" Mathis et éviter d’envoyer ses complices présumés derrière les barreaux.
"On espère qu’il nous appelle au secours". La famille de Mathis espère donc que ce procès dénoue la langue de Sylvain Jouanneau. L'avocate du prévenu, Me Véronique Demillière, a assuré que son client "attend avec impatience ce procès pour montrer qu'il n'est pas mutique". Mais "je pense qu'il ne souhaite pas" dire à qui "il a confié" l'enfant, a-t-elle confirmé.
La mère du prévenu, Elisabeth, espère, elle, toujours un procès vérité. "Ce que l’on espère c’est que Sylvain donne des éléments qui nous permettent de retrouver Mathis. On a plutôt tendance à l’imaginer malheureux. On espère qu’il nous appelle au secours. Nous, c’est Mathis en premier. Notre fils a choisi de faire ce qu’il a fait, Mathis n’a rien demandé. C’est une victime. Il nous manque énormément", réagit la mère du prévenu.
L’histoire. Le 4 septembre 2011, Sylvain Jouanneau, dont le casier judiciaire est vierge, va chercher son fils à l'école vers 18 heures, comme le prévoit son droit d'hébergement. Mais l'homme, qui a effectué plusieurs séjours en hôpital psychiatrique par le passé, ne le ramène pas comme prévu le dimanche soir chez Elisabeth Barré, son ex-compagne. Il expliquera avoir dit à Mathis que sa mère et son compagnon était morts dans un accident de voiture.
Le mercredi suivant, le camping-car de l'accusé est retrouvé à Villers-Bocage, à 35 km de Caen avec son passeport. Le lendemain, le 10 septembre, c'est sa Peugeot 206 break qui est découverte à 5 km de Bayonne. Aucune trace de sang n'est mise en évidence dans les véhicules. Dans le Break, les enquêteurs trouvent des tickets d'achats de jouets et de trois livres sur l'islam effectués le 30 août à Caen. Sylvain Jouanneau s'est converti à cette religion après une relation en 2006-2007 avec une jeune femme marocaine.
Une enquête dans les milieux musulmans. Selon une source judiciaire, en 2011 Sylvain Jouanneau a écrit que Mathis était "en sécurité" avec des personnes en lesquelles il disait avoir "toute confiance", et que "ses frères musulmans" prendraient en charge l'avenir de Mathis s'il devait arriver quelque chose à son père. Sylvain Jouanneau qui, selon les enquêteurs, avait préparé "de longue date" cet enlèvement est, lors de son arrestation, "sale comme quelqu'un qui vit dans des conditions précaires", précise à l'époque le procureur de Caen Catherine Denis. Malgré des recherches dans des institutions musulmanes et chrétiennes en Espagne, en Italie et au Maroc, et dans des associations de type sectaire en France, Mathis reste introuvable.
Le procès doit durer quatre à cinq jours. Sylvain, mutique depuis trois ans, risque jusque 30 ans de réclusion.