Sous la terre. Entre la grille d’entrée du kibboutz et les minarets de Gaza, il n’y a qu’un champ de carottes. De chez lui, Daniel Lazare, qui habite depuis trente ans à la frontière entre Israël et l’enclave palestinienne, a une vue directe sur les combats entre Tsahal et la branche armée du Hamas. "D’ici, la ville de Gaza est à 3,4 kilomètres, peut-être 3,7 kilomètres", raconte-t-il à Europe 1.
Habitué aux tirs de roquettes, cet Israélien a récemment développé une angoisse toute nouvelle. Depuis quelques semaines, c’est ce qui se passe sous cette terre agricole qui l’inquiète.
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Une nouvelle menace. Avec l’opération Bordure de protection, Israël découvre un immense réseau de souterrains qui connecte la bande de Gaza avec Israël, hors du contrôle sécuritaire de Tsahal, l’armée israélienne. Grâce à ces tunnels, des combattants du Hamas peuvent faire irruption sur le territoire israélien, ce qui est arrivé à côté de chez Daniel Lazare. "Ils sont arrivés près du kibboutz, tout près du kibboutz", se souvient-il. "Pas à l’intérieur même, mais bon. Quelques centaines de mètres, on peut les parcourir en quelques minutes", dit-il, inquiet. Les combattants ont rapidement été abattus par l’armée israélienne. "On a toujours eu des tirs de roquettes, mais on n’était pas du tout conscient de la menace des tunnels", avoue Daniel Lazare.
Comme les égouts de Paris. Les premiers corridors ont été mis au jour à la faveur de pluies torrentielles, il y a déjà quelques années. Des morceaux de béton ont ainsi émergé de terres agricoles. Impossible de savoir exactement combien de tunnels le Hamas a creusé, parfois à 20 mètres sous terre. La frontière entre les deux territoires fait 40 kilomètres. A titre d’exemple, le long des 6 kilomètres de démarcation entre Gaza et l’Egypte, le Hamas avait réussi à creuser près de 1.000 souterrains. Potentiellement, ce sont donc plusieurs milliers de kilomètres de galeries reliées entre elles qui serpentent vers le territoire israélien. "Ce sont des tunnels très profonds", explique un porte-parole de l’armée israélienne. "Les tunnels sont attachés à d’autres tunnels, c’est comme le métro à Paris", image-t-il. "Un jour", se souvient-il, "j’ai visité les égouts à Paris et ça ressemble beaucoup à ça."
La sortie des tunnels n’est ouverte qu’au dernier moment, celui de l’attaque, pour éviter d’être repérée par l’armée. Difficile, donc, pour Tsahal, de mettre la main sur ces souterrains mortifères.
Il a probablement fallu des années de travaux pour construire ce réseau souterrain qui menace Israël. La plupart de ces tunnels débutent dans des édifices civils. Des Gazaouis soutenant la "résistance", comme ils appellent le Hamas, ouvrent les sous-sols de leur maison au mouvement islamiste, contre rémunération. Mais selon Israël, Tsahal aurait également repéré un tunnel démarrant dans une salle adjacente d’une mosquée.
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Une surprise pour Tsahal. Ce n’est pas la première fois que le Hamas, qui contrôle un territoire sous blocus, utilise des tunnels. Des kilomètres de galeries ont été creusés entre Gaza et l’Egypte dès les années 70, pour ravitailler l’enclave en vivres, mais aussi en armes. Mais cette fois, les souterrains ont une autre vocation : celle de frapper Israël.
En mars, rapportait Reuters, Ismaïl Hanyieh, ponte du Hamas, déclarait que "les tunnels que nous inaugurons aujourd’hui sont la nouvelle stratégie du Hamas dans sa guerre contre Israël – la stratégie des tunnels". "Sous le sol et sur le sol, vous, les Occupants, serez chassés", menaçait-il. Dès 2006, les brigades Ezzedine Al-Qassam, le bras armé du Hamas, et d’autres groupes islamistes, kidnappent le soldat israélien Gilad Shalit en faisant irruption à un poste-frontière via un tunnel. Le Hezbollah libanais avait également utilisé cette stratégie contre l’Etat hébreu. Qu’Israël se soit laissé surprendre par l’étendue du réseau souterrain du Hamas étonne de nombreux observateurs.
Tsahal s’adapte à la guerre souterraine. Une équipe spécial tunnels devait donc être constituée au sein de l’armée israélienne, car "une attaque multi-directionnelles est le cauchemar de tous les soldats le long de la frontière avec Gaza", expliquait un officier au magazine américain Time. Et les brigades islamistes pourraient bien être capables de ce type de violences. "Si après l’attaque d’une cinquantaine de combattants du Hamas jaillissant de tunnels, 25 personnes et des enfants meurent dans un des villages proches de la frontière, cela laisserait la société israélienne en état de choc", estime une source militaire israélienne. "Ce serait un exploit pour le Hamas" et entraînerait une réaction ultra-violente de la part d’Israël, laissent de Bordure de protection le souvenir d’un parcours de santé.