Sans surprise, Vladimir Poutine a été réélu président pour la 4e fois, ce dimanche, dès le premier tour. Paradoxalement, il est une nouvelle fois très critiqué sur la scène internationale, où il est personnellement accusé par Theresa May d'avoir orchestré le meurtre d'un agent double. Le grand reporter Anne Nivat, spécialiste de la Russie, était l'invitée dimanche de l'émission C'est arrivé demain. Pour Europe 1, elle décrypte la situation et explique notamment pourquoi les Russes votent Poutine.
Sanctions modestes. L’empoisonnement de l'espion Sergei Skripal sur le sol britannique ressuscite le temps et les pratiques de la Guerre froide. Mais le sujet, largement discuté en occident, n'a pas sa place sur le sol russe, estime la journaliste : "Le sujet, c'est le froid et le vote pour Poutine, pas forcément de gaieté de cœur."
Poutine associé au "bien-être économique" relatif. De la même manière, les critiques internationales sur de nombreux dossiers - sa politique en Syrie et en Ukraine ou son ingérence dans l'élection présidentielle américaine - ont à l'inverse "un effet plutôt positif" en Russie. "Toutes ces critiques émanent de l'occident. Les Russes ne voient pas les choses de la même façon que nous. (...) La Russie, après la dislocation de l'URSS en 1991, était dans le chaos mais en liberté. Mais au niveau économique, c'était un désastre. Et puis Poutine est arrivé. Boris Eltsine est allé le chercher. Après, il a fait son trou au moment où la classe moyenne se développait. Les Russes associent ce bien-être économique relatif aux années Poutine."
Après des décennies de dictature soviétique, la Russie n'a pas le même sens des mots pluralisme et démocratie, ajoute la journaliste pour qui Poutine sera réélu. "Il y a cet a priori que les dés sont pipés, que les jeux sont faits et surtout que sans Poutine, la Russie va sombrer dans le chaos. C'est ce que disent les Russes, même des anti-Poutine, ils sont angoissés, ont peur."
"Partir la tête haute". Mais ce sont les nuances qui seront intéressantes à observer pour Anne Nivat : "Le score sera-t-il supérieur au score précédent ? Je ne le pense pas. Est-ce que davantage de gens n'iront pas voter ? 70% des voix et 70% de participation, ça me semble assez optimiste. Il y a une certaine lassitude vis à vis de Poutine. Il est là depuis longtemps et a annihilé toute alternative." La lassitude a, selon elle, gagné Poutine lui-même. La journaliste rappelle qu'il n'a pas fait campagne à l'inverse de son implication effrénée de 2012. "Il se met moins en scène qu'avant. En 2024, il aura plus de 70 ans, peut-être estimera-t-il utile de partir la tête haute tout en ayant choisi son successeur."