Drapeau américain manifestation Iran 1:44
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Mathilde Durand , modifié à
Depuis l'assassinant du général iranien Qassem Soleimani en Irak par un raid américain, les relations se tendent sur la scène internationale. Frédéric Encel, spécialiste du Moyen-Orient et maître de conférences en sciences politiques, juge cependant "inimaginable" un conflit "apocalyptique", sur Europe 1. 
INTERVIEW

L’annonce de l’assassinat ciblé du général iranien Qassem Soleimani par un raid américain à Bagdad en Irak, a plongé le monde dans la crainte Jusqu’où ira cette escalade de violence ? Cet ordre, donné par Donald Trump, intervenait en riposte de l’attaque de l’ambassade américaine à Bagdad par des miliciens pro-iraniens survenue mardi. Depuis, les déclarations se multiplient sur la scène internationale. Le Premier ministre irakien a estimé que cette attaque ciblée allait déclencher "une guerre dévastatrice en Irak". Frédéric Encel, maitre de conférences en sciences solitiques et spécialiste du Moyen-Orient, décrypte sur Europe 1 les possibles conséquences de cet assassinat.

Alors que des milliers de personnes se sont rassemblées à Téhéran pour manifester contre "les crimes américains", au niveau international les acteurs appellent à de la retenue. La crainte d’une "vengeance iranienne" est forte. "Je n’imagine pas de représailles massives de la part des iraniens", nuance cependant Frédéric Encel. "Ils ont à leur tête des fanatiques, d’ailleurs le général Soleimani en était un, mais ce ne sont pas des imbéciles. Ils sont prudents sur le plan géopolitique." Qassem Soleimani était le chef de la force Al Qods des Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique iranienne.

Une "vengeance" attendue par l'opinion publique

En effet, depuis 1979 et l’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeini, l’Iran n’a plus jamais officiellement fait la guerre, mais œuvre grâce à des réseaux comme celui des forces Al Qods justement. "Vis-à-vis de l’opinion publique iranienne, il est inimaginable que le guide suprême ne fasse rien", explique le maître de conférences. Le général Qassem Soleimani jouissait d’une très grande popularité, "une aura, une posture de héros", précise Frédéric Encel.

"Les représailles, nous pouvons les imaginer ponctuelles, ciblées, sur les intérêts américains dans la région. Et il y en a beaucoup : des ambassades, des ressortissants américains pas forcément soldat, des touristes dans la région. Peut-être même des cibles situées sur le sol américain", évoque le maître de conférences. "Mais c’est inimaginable d’observer une montée en puissance d’un conflit apocalyptique comme en évoque certain." Selon un responsable américain, certains des 750 soldats supplémentaires déployés sont arrivés à Bagdad pour renforcer la sécurité de l'ambassade" américaine. "Les ambassades dans la région sont des forteresses, mais je pense que les Iraniens vont quand même tenter de les toucher."

Un pas de plus vers la bombe nucléaire en Iran ? 

Ce raid ciblé des Etats-Unis révèle que, malgré les déclarations du pays, et celles de Donald Trump en particulier qui indiquent que les américains cherchent à se retirer du Moyen-Orient, la situation est différente sur le terrain. "Le nombre de soldats au sol a diminué mais certainement pas les initiatives militaires dans la région."

Une autre forme de représailles "passives, c'est à dire non létales", précise Frédéric Encel, pourrait être la poursuite de l'enrichissement de l'uranium iranien. Une accélération du processus, débuté par la sortie des Etats-Unis de l'accord du 14 juillet 2015. Une sortie qui avait "mis les Européens, les Russes, et les Chinois dans l'embarras", rappelle le spécialiste. L'objectif pourrait être de franchir le seuil des "20% d'enrichissement, au-delà duquel on peut arriver très vite à 80-90% et fabriquer une bombe", souligne-t-il. "Les relations vont se tendre entre Iran et Etats-Unis, mais aussi entre l'Iran et reste du monde. Car ni Moscou, ni Pékin, ni Paris, Londres ou Berlin ne sont d’accord avec la possibilité que l’Iran se dote de la bombe nucléaire."