Attaque contre Maduro, crise politique, accusations : le point sur la situation au Venezuela

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Anaïs Huet avec AFP , modifié à
Deux jours après l'attaque contre le président vénézuélien Nicolas Maduro, la confusion règne dans le pays, déjà en proie à une grave crise économique, politique et institutionnelle.
ON DÉCRYPTE

Un président très impopulaire. Un pays dont l'économie est à bout de souffle. Et samedi, une attaque aux drones chargés d'explosif revendiquée par un mystérieux groupe rebelle, appelant à une lutte émancipatrice contre ce gouvernement au bilan désastreux. Le Venezuela a atteint ce week-end un nouveau palier dans la crise politique et institutionnelle qui le secoue depuis plusieurs années. 

Que sait-on de l'"attentat" contre Nicolas Maduro ?

Samedi, alors que le président vénézuélien prononce un discours lors d'une cérémonie militaire dans le centre de Caracas, une détonation se fait entendre, perceptible à la télévision d'État. Sur les images, on voit d'abord Nicolas Maduro, son épouse Cilia Flores et les hauts gradés qui les entourent sur une estrade regarder vers le ciel, inquiets. Immédiatement, les gardes du corps protègent le président avec des boucliers. À la télévision, on voit ensuite les soldats rompre les rangs et se mettre à courir dans une grande confusion.

L'attaque a été commise au moyen de deux drones chargés chacun avec un kilo de C4, un puissant explosif militaire, capable, selon lui, de "faire des dégâts dans un rayon d'environ 50 mètres", selon le ministre de l'Intérieur vénézuélien. Le premier drone a explosé hors du périmètre prévu, et le second est allé se crasher contre un bâtiment. Sept militaires ont été blessés. Le président, lui, en est sorti indemne.

Que sait-on du groupe rebelle qui a revendiqué l'attaque ?

Sur les réseaux sociaux, un mystérieux groupe rebelle, qui serait composé de civils et de militaires, a revendiqué l'attentat en diffusant un communiqué. "Il est contraire à l'honneur militaire de maintenir au gouvernement ceux qui ont oublié la Constitution et ont fait de la fonction publique une manière obscène de s'enrichir", dénonce le texte signé par le "Mouvement national des soldats en chemise". 

"Nous ne pouvons pas tolérer que la population soit affamée, que les malades n'aient pas de médicaments, que la monnaie n'ait plus de valeur, que le système éducatif n'enseigne plus rien et ne fasse qu'endoctriner avec le communisme", poursuit le communiqué. "Peuple du Venezuela, pour que cette lutte émancipatrice soit une réussite, il est nécessaire que nous descendions tous dans la rue, sans retour", ajoute-t-il.

L'attaque manquée ferait partie de l'"Opération Phénix", selon le communiqué lu samedi soir par Patricia Poleo, une journaliste proche de l'opposition et basée aux États-Unis, sur sa chaîne YouTube. Cette farouche adversaire du gouvernement socialiste vénézuélien s'est limitée à lire ce texte qu'elle affirme avoir reçu de ce groupe rebelle.

Nicolas Maduro accuse son homologue et ennemi colombien

Malgré la revendication de ce groupe rebelle, Nicolas Maduro a rapidement mis en cause son homologue colombien, Juan Manuel Santos, qui doit passer les rênes du pouvoir mardi à son successeur, Ivan Duque. "Je n'ai pas de doute que le nom de Juan Manuel Santos est derrière cet attentat", a-t-il assuré. Une accusation "absurde", a immédiatement réagi l'intéressé.

Le président vénézuélien a également évoqué des "financiers" non identifiés aux États-Unis. John Bolton, conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, a vivement réfuté l'hypothèse d'une quelconque responsabilité : "Je peux dire catégoriquement qu'il n'y a eu absolument aucune participation du gouvernement américain là-dedans".

"Les exécutants et les planificateurs à l'intérieur et à l'extérieur du pays ont été entièrement identifiés", a pour sa part annoncé le ministre de l'Intérieur.

Nicolas Maduro, président très contesté au bilan catastrophique

Cet attentat intervient le jour du premier anniversaire de la très contestée Assemblée constituante vénézuélienne qui a permis au gouvernement d'asseoir son pouvoir et de neutraliser l'opposition, très virulente au vu du contexte économique et social calamiteux. Cette "Constituante" est composée uniquement de partisans du chef de l'État, et dispose de prérogatives élargies : elle convoque des élections, destitue des fonctionnaires et vote des lois. Elle s'est attribuée la plupart des compétences du Parlement.

Son installation, le 4 août 2017, a calmé - de force - l'agitation qui secouait le pays. Nicolas Maduro faisait alors face à une vague de protestations de l'opposition depuis plus de quatre mois, qui avait fait 125 morts, des centaines de blessés et de personnes arrêtées. En s'octroyant ces pouvoirs, l'exécutif a disloqué l'opposition. Le 20 mai dernier, Nicolas Maduro a été réélu président du Venezuela, et ce jusqu'en 2025. Une victoire par ailleurs contestée par une grande partie de la communauté internationale.

Depuis des années, le Venezuela est en proie à une inflation record, qui pourrait atteindre, selon le Fonds monétaire international (FMI), 1.000.000% fin 2018. Le PIB, lui, devrait perdre 18%. Aliments, médicaments ou biens de consommation courante : la pénurie est généralisée dans ce pays où les services publics, des soins à l'électricité, en passant par l'eau ou les transports, se sont fortement dégradés. On estime que 1,6 million de Vénézuéliens ont émigré depuis 2016 à cause de la débâcle économique, qui a fait basculer 87% de la population dans la pauvreté, selon une étude des principales université du pays. À la surprise générale, Nicolas Maduro, l'obstiné, a récemment admis l'"échec" du modèle productif mis en place par son gouvernement ces dernières années.

Et maintenant ?

Après l'attaque de samedi, et les menaces clairement proférées par le président Maduro, l'opposition craint un changement de ton, et s'attend déjà à "une persécution" et une violente "vague de répression". En effet, "il n'y aura pas de pardon" pour les auteurs, a d'ores et déjà prévenu Nicolas Maduro. "Ceux qui ont osé aller jusqu'à l'attentat personnel, qu'ils n'espèrent pas le pardon, nous les poursuivrons et nous les capturerons où qu'ils aillent se cacher, je le jure !", a lancé le président. 

Un avertissement plus que virulent, d'autant qu'il est appuyé du soutien de l'armée vénézuélienne.