Alors que l'Europe poursuit son déconfinement, l'Amérique Latine est touchée de plein fouet par le nouveau coronavirus. "La situation est catastrophique au Brésil pour des raisons à la fois sanitaires et politiques", confie sur Europe 1 Didier Pittet, médecin infectiologue et épidémiologiste aux Hôpitaux universitaires de Genève, expert pour l'OMS. "Nous savons que c'est catastrophique au Pérou, au Chili, qui a pourtant un système de santé relativement bien organisé. Cela a été une véritable catastrophe en Equateur, comme nous l'avons vu avec les événements de Guayaquil."
Au Pérou, dès l'aube, des dizaines de citadins patientent sur les trottoirs. Dans les magasins tous cherchent des bouteilles d'oxygène, seule chance de survie pour leurs proches infectés : les hôpitaux sont saturés et souffrent de pénurie. "Un film d'horreur", décrit même le personnel contacté par Europe 1. "Le virus ne s'arrête pas aux frontières et les systèmes de santé, lorsqu'ils sont précaires, souffrent très rapidement de la situation, en plus des situations dans lesquelles les capacités de diagnostic ne sont malheureusement pas toujours très bien établies. Donc on rate souvent le début de l'épidémie", décrypte Didier Pittet. "La courbe épidémique a, en général, au minimum, quinze jours de retard sur les événements, donc lorsque vous avez pris du retard, vous ne le rattrapez pas."
Un manque de tests
Un "ratage" qui réside souvent dans l'absence de dépistage. Au Brésil, pays lourdement touché par le nouveau coronavirus avec 37.300 décès, le manque de tests est criant. "Le nombre de cas confirmés, qui ont été testés, est de 710.887 cas", annonce Marie-Christine Duniau, médecin conseil auprès du consulat général de France. "C'est un chiffre qui ne reflète pas la réalité, parce qu'on teste très peu ici. On a réalisé 990.000 tests pour une population de 211 millions d'habitants". Elle décrit une situation catastrophique et un système de santé à deux vitesses. Les hôpitaux privés étant bien équipés mais inaccessibles pour la population.
La situation démographique du pays et la répartition des habitants dans l'ensemble du territoire du pays joue également en sa défaveur. "Le pire c'est en Amazonie", confie Marie-Christine Duniau, où les autorités sanitaires peinent à identifier les populations touchées. "Au début, l'épidémie était vraiment en ville, elle était apportée par les gens qui venaient d'Europe ou des Etats-Unis. Maintenant elle se déplace vers la périphérie, dans l'intérieur des terres".
L'urgence sociale pour les populations
En Amérique Latine, aux problématiques sanitaires s'ajoutent les conséquences sociales et économiques. "On voit des vendeurs de rues, des gens qui sortent pour acheter des fruits et légumes", raconte Claire, une Française installée à Cuzco, ancienne capitale des Incas, au Pérou. "La majorité des habitants vivent dans l'informel, si les gens ne sortent pas pour travailler, ils n'ont pas de revenus. C'est de la survie aussi. C'est horrible de voir qu'ils n'ont plus rien. Peut-être qu'ils n'ont pas conscience du risque qu'ils prennent, mais leur urgence c'est la faim".
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Avec la crise sanitaire, 40% des péruviens ont perdu la totalité de leurs revenus. Au Chili, en Equateur, en Bolivie, des émeutes de la faim éclatent entre policiers et habitants des quartiers pauvres sans argent pour se nourrir. "Au Brésil, il y a environ 13 millions de personnes qui vivent dans les favelas, et ces gens doivent manger aussi. Il faut trouver des systèmes pour que les gens puissent tout de même se nourrir. Et qu'on n'ait pas à la fois les problèmes sociaux, sanitaires et économiques en même temps", souligne Didier Pittet.