Au moins 11 soldats sont morts dans l'attaque tôt lundi matin de l'Académie militaire d'Afghanistan dans l'ouest de Kaboul, revendiquée par le groupe Etat islamique (EI), qui survient dans un contexte de grande tension et d'attentats en série. Un nouveau bilan fait état de 11 morts et 16 blessés, a indiqué le ministère de la Défense. Le précédent était de 5 morts et 10 blessés. L'EI et les talibans ont renforcé leurs offensives ces derniers jours, faisant des centaines de morts et blessés et suscitant consternation et colère chez les habitants.
Que s’est-il passé lundi dans l'ouest de Kaboul ?
"Deux kamikazes se sont fait exploser, deux ont été tués par nos forces et un a été arrêté vivant", a déclaré le porte-parole du ministère, le général Dawlat Waziri. "Les forces afghanes ont saisi un lance-roquette, deux (fusils d'assaut) Kalachnikov et un gilet explosif", a-t-il ajouté. L'EI a revendiqué "l'attaque suicide" via un message de son organe de propagande Amaq sur le réseau Telegram. Les forces spéciales ont été dépêchées sur place et le quartier de l'Académie, une immense enceinte de plus de 40 hectares située dans l'ouest de Kaboul, a été totalement ceinturé par les forces de l'ordre qui ont déployé de nombreux véhicules militaires et de police. Cette attaque est la troisième en dix jours à peine dans la capitale afghane après celle visant un grand hôtel le 20 janvier et l'explosion d'une ambulance piégée samedi au centre-ville.
L'attaque a commencé autour de 5 heures locales (00h30 GMT) par des tirs de roquettes et l'explosion d'un kamikaze, suivis de tirs d'armes automatiques et de RPG (grenades) contre le bataillon installé à l'entrée de la vaste enceinte. "Les assaillants ont voulu entrer dans le bataillon", a indiqué le général Waziri. Selon un officier présent à l'intérieur des locaux, il s'agit "du 2e bataillon d'infanterie de la Division 111 de Kaboul", situé en lisière de l'enceinte et chargé de sa protection. "Une grosse explosion s'est produite devant l'entrée, le bataillon a riposté. Je ne pense pas qu'ils aient pu entrer", a-t-il rapporté peu après le début de l'attaque.
Qu'est-ce que l'Académie militaire de Kaboul ?
L'Académie Marshall Fahim, vaste complexe situé dans l'ouest de Kaboul dans le district de Qargah, forme l'armée afghane depuis les cadets jusqu'aux officiers d'état-major. Elle est considérée comme le "Saint-Cyr" d'Afghanistan et également surnommée le "Sandhurst des Sables" - références respectives aux célèbres écoles militaires de France et du Royaume-Uni. Elle avait déjà fait l'objet d'une attaque en octobre dernier: quinze jeunes recrues afghanes avaient trouvé la mort dans l'attaque d'un kamikaze qui avait surgi à pied et s'était jeté contre leur minibus alors qu'elles quittaient les lieux pour rentrer chez elles. En temps normal, selon un enseignant, "au moins 4.000 personnes s'y trouvent, entre les cadets, les officiers et 300 à 500 formateurs" afghans et étrangers. La France notamment entretient une coopération avec l'école des officiers. "Mais ce matin, parce que c'est un jour chômé, seuls les cadets et les officiers de permanence sont présents" a-t-il précisé. lui-même ne s'y est pas rendu.
Pourquoi assiste-t-on à une recrudescence des attentats en Afghanistan ?
La présidence afghane avait décrété une journée chômée lundi à Kaboul "pour s'occuper des blessés" après le carnage provoqué samedi dans le centre-ville par une ambulance piégée qui a fait plus de 100 morts et 235 blessés. L'attentat, revendiqué par les talibans, est l'un des pires à Kaboul ces dernières années. C'était - avant l'attaque de lundi - le troisième d'ampleur en huit jours en Afghanistan après l'attaque de l'hôtel Intercontinental le 20 janvier et celle de l'ONG Save The Children à Jalalabad (est) mercredi. Le niveau d'alerte en vigueur depuis une dizaine de jours reste maximal lundi, selon de multiples sources de sécurité occidentales qui redoutent de nouvelles attaques. Les étrangers sont particulièrement visés par ces menaces ainsi que les lieux qu'ils fréquentent - hôtels, supermarchés... - et la plupart des ambassades et institutions internationales sont placées en "lock down" (confinement sans sorties) ou se voient imposer de très fortes restrictions de déplacement.
"Il y a une véritable remontée en puissance des différents mouvements islamistes depuis le départ des troupes américaines d’Afghanistan en 2014", relève Didier François, journaliste spécialiste des questions de défense auprès d'Europe 1 pour expliquer la multiplication des attaques. "Il ne reste plus aujourd’hui que quelques instructeurs et des forces spéciales qui sont en appui des forces afghanes, essentiellement pour les aider à tenir les villes, mais dans le reste du pays, jamais les talibans n’ont tenu autant de territoire depuis qu’ils ont été chassés du pouvoir en 2001", note-t-il. Pour lui, l'effondrement de l'Etat islamique en Syrie explique la vive montée des tensions : "Le véritable ennemi des Talibans, aujourd’hui, c’est l’Etat islamique qui ayant perdu ses bases en Irak et en Syrie essaye de se refaire en Afghanistan. D’où cette surenchère d’attentats, revendiqués tour à tour par Daesh ou par les Talibans".