Quelle place pour la vérité dans la guerre en Ukraine ? C'est la question qui se pose avec l'ouverture d'un procès inédit ce mercredi à Kiev. Celui d'un jeune soldat russe de 21 ans qui a plaidé coupable de "crime de guerre", une première dans ce conflit. Il a reconnu avoir tué un Ukrainien de 62 ans. Enora Chame, officier du renseignement français, qui emprunte ce nom car son identité est protégée, décrit à quel point il peut être difficile de recueillir des preuves incontestables d'exactions sur les terrains de guerre.
Seule officier française à avoir été sélectionnée pour arpenter la Syrie sous la bannière de l'ONU, en 2012, elle a acquis un regard acéré sur les mécanismes de manipulations des opinions qu’elle voit aujourd’hui à l’œuvre autour du conflit ukrainien. "Le chaudron de pathos dans lequel on baigne aujourd’hui me semble tout à fait caractéristique des débuts de guerre lorsque chacun veut prouver que l’autre est pire, alors qu’il y a des exactions des deux côtés", commence-t-elle.
"Pour rendre une justice crédible, il faut que ce soit neutre et dépassionné"
Comment rendre un procès équitable dans ces conditions ? "Ce type de justice est fait à chaud. Elle est faite dans l’émotion, elle est faite au maximum de la souffrance des gens qui sont là. Et pour rendre une justice crédible, il faut que ce soit neutre et dépassionné", argumente Enora Chame. Ce rôle pourrait être celui des observateurs de l’ONU, qui pour l’instant, n’ont pas été déployés en Ukraine. "Je pense qu’ils auraient beaucoup de difficultés à être entendus. Ce qui encore une fois est compréhensible. Les gens souffrent énormément. Ils n’ont pas envie d’avoir quelqu’un qui dans leur esprit ne se mouille pas, donc qui n’est pas courageux, c’est ça ce que les gens pensent. Alors que les observateurs se disent qu’on ne peut pas accuser n’importe qui, n’importe quoi. Il y a des conséquences derrière."
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Enora Chame a raconté son travail de documentation dans un livre Quand s’avance l’ombre aux éditions Mareuil. Elle y dévoile l’ombre de la guerre bien sûr, celle aussi de la communauté internationale. Car, conclut-elle, "plus elle s’investit dans un problème, moins la solution se trouve dans le pays concerné".