Toutes les victimes de l'effondrement du viaduc Morandi, près de Gênes, n'ont pas encore été extirpées des décombres mais, déjà, plusieurs questions se posent en Italie sur la vulnérabilité de la structure. Un tronçon du pont, sur lequel passait une autoroute, a été entraîné par la chute d'un pilier, faisant au moins 30 morts. Plusieurs médias transalpins font état d'inquiétudes passées sur la sécurité et la résistance du viaduc, inauguré en 1697 et qui était en cours de consolidation lors de la catastrophe.
Structure défaillante ? Les images du pont effondré sont claires : un hauban, haut de 90 mètres, s'est effondré et a entraîné avec lui deux importants morceaux de l'autoroute. Or, le viaduc Morandi possède une structure particulière, utilisée pour seulement trois ponts dans le monde : le Morandi à Gênes, donc, le Wadi Al-Kuf en Lybie et le Maracaibo au Venezuela. Ce dernier a d'ailleurs lui aussi connu un incident, de nature différente, lorsqu'un pétrolier a heurté les piles du pont en 1964.
"Ce type de pont est mal conçu et mal calculé et présente des problèmes évidents de vulnérabilité. Après tout, s’il n’y en a que trois dans le monde, c’est qu’il y a bien une raison", a critiqué le professeur agrégé en structures de béton à la faculté ingénierie de Gênes, Antonio Brencich, interrogé après le drame en Italie par Linkiesta.
Dans cette interview, repérée par Le Monde, ce spécialiste réitère des critiques qu'il avait déjà émises quelques années auparavant, peut-être bien à raison. En 2016, pour le site Ingenieri, il expliquait que "le viaduc Morandi a immédiatement présenté plusieurs défaillances de structure, en plus de surcoûts importants de construction". Il évoquait "une erreur d’ingénierie (…) ayant produit un plan de route non horizontal". Autrement dit, l'autoroute A10 qui passe sur le viaduc n'est pas parfaitement plane mais ponctuée de creux et de bosses. Des anomalies dues, selon Antonio Brencich à "une évaluation incorrecte des effets de retrait du béton".
Le rôle de la météo. Ces erreurs ont-elles progressivement affaibli la structure du pont ? Certains indices le laissent penser. Ainsi, l'agence italienne Ansa rappelle qu'un rapport de la société Autostrade rédigé en 2011 faisait état de la "dégradation" du viaduc Morandi, causée par "les bouchons et le volume de trafic" quotidien. L'entreprise évoquait également "une maintenance constante depuis des années". Selon Antonio Brencich, le coût cumulé des travaux atteignait déjà 80% du coût de construction, dans les années 1990. Autostrade a précisé que des travaux de consolidation sur la dalle et les haubans, entamés en mai, étaient d'ailleurs en cours au moment de l'effondrement.
Reste qu'il est encore trop tôt pour affirmer avec certitude que l'effondrement du viaduc Morandi est dû, au moins partiellement, à sa conception. Giovanni Castellucci, PDG de Autostrade, le groupe privé qui exploite les autoroutes italiennes, a affirmé après le drame, au Corriere della Serra, qu’il ne "détenait aucun document faisant état d’un quelconque danger". La météo pourrait aussi avoir joué un rôle : au moment de l'accident, la région était en vigilance orange vent et orages et certains témoins ont vu la foudre frapper le viaduc.
Réseau routier vétuste. Quel que soit le résultat de l'enquête, le drame du viaduc Morandi n'est pas une première en Italie. Il s'agit du huitième pont qui s'est effondré depuis trois ans dans le pays, rappelle Les Échos. Le dernier accident de ce genre s'est produit fin 2017 : le pont Corleone, en Sicile, s'était écroulé dix jours seulement après son inauguration. Un mal symptomatique du manque de maintenance du réseau routier italien.