Elle a été une source d'inspiration pour la gauche en Amérique latine : la révolution cubaine célèbre mardi ses 60 ans, empêtrée dans les difficultés économiques et isolée alors que la région a largement viré à droite. Hasard du calendrier, cet anniversaire historique coïncide avec l'investiture du président d'extrême droite Jair Bolsonaro au Brésil, pays qui a politiquement changé de bord comme l'ont fait l'Argentine, le Chili ou encore le Pérou.
Célébrations discrètes. C'est à Santiago de Cuba, première ville conquise par la guérilla de Fidel Castro en 1959, qu'auront lieu des festivités qui s'annoncent discrètes et sans dignitaire étranger, avec le discours attendu à 17h, heure locale, de son frère et ex-président Raul, dans le cimetière où est enterré le père de la révolution. À ses côtés devrait être présent le nouveau président depuis avril : Miguel Diaz-Canel, 58 ans, qui, contrairement aux frères Castro, ne jouit pas de la légitimité d'avoir combattu et renversé la dictature de Fulgencio Batista. "Vive la révolution cubaine, vive Cuba, mes meilleurs vœux à Cuba", s'est-il exclamé lundi sur Twitter.
Une révolution "usée". Pourtant, l'heure n'est pas à la fête : "l'héritage historique de la révolution cubaine semble très usé, autant d'un point de vue politique qu'économique", tranche Jorge Duany, directeur de l'Institut de recherches cubaines de l'Université internationale de Floride. Plus sévère encore, le dissident Vladimiro Roca estime que la révolution "va s'éteindre sous son propre poids" : "D'abord, la jeunesse en a marre, elle ne croit en rien de tout ça, et ensuite (la révolution) n'a plus aucun soutien à l'étranger".
Porteuse à l'époque de grandes avancées sociales dans la santé et l'éducation, la révolution castriste avait séduit la population cubaine, lassée des années de dictature, et inspiré la plupart des mouvements de gauche d'Amérique latine. Mais elle a ensuite suscité des inquiétudes et des critiques de la communauté internationale sur la question des droits de l'homme et des prisonniers politiques, une centaine selon les organisations dissidentes. Économiquement, elle est aujourd'hui à bout de souffle : sa croissance stagne autour de 1%, insuffisante pour couvrir les besoins de la population, qui doit donc supporter les pénuries.
Pénuries fréquentes. Autrefois premier producteur mondial de sucre, le pays a dû récemment en importer de France. Ces dernières semaines, œufs, farine et riz ont disparu des rayons. "Chaque année le gouvernement importe pour environ deux milliards (de dollars) d'aliments, sans assurer la sécurité alimentaire du pays", souligne Marlene Azor Hernandez, ex-professeure de l'université de La Havane, dans un rapport pour le Centre pour l'ouverture et le développement de l'Amérique latine (Cadal), basé à Buenos Aires.
Pour "actualiser" le modèle économique du pays, les autorités cubaines soumettront à référendum, le 24 février, une nouvelle Constitution qui reconnaît la propriété privée, le marché et l'investissement étranger. Mais pas question de revenir au capitalisme : l'objectif reste celui d'une société "communiste", avec le PCC comme parti "unique".
De rares alliés. Alors que La Havane est confrontée à la politique hostile de Donald Trump, le tour d'horizon de ses alliés n'est guère flatteur. Le Venezuela, lui-même en crise, peine à lui assurer ses livraisons de pétrole. Et si Vladimir Poutine a qualifié dimanche Cuba de "partenaire stratégique et allié de confiance", dans un message adressé à Raul Castro et à Miguel Diaz-Canel, il n'est pas disposé à subventionner le pays comme l'a fait l'Union soviétique pendant 30 ans. La Chine non plus. Enfin, la Corée du Nord, où s'est rendu le président cubain en novembre, prévoit tout juste de signer en janvier à La Havane un protocole d'échange commercial et de collaboration.