>> Le Venezuela a rompu ses relations diplomatiques avec Washington, alors que le chef de l'opposition, Juan Guaido, s'est déclaré "président par intérim" dans la soirée, en lieu et place du président actuel, Nicolas Maduro. Donald Trump l’a aussitôt reconnu. Pour notre éditorialiste Vincent Hervouët, il s'agit d'un véritable "putsch sans uniforme" mené par le trentenaire, dans un pays quasiment exsangue.
"Retenez son nom, Juan Guaido. Il a 35 ans, c’est un grand brun à l’air déterminé, député d’un quartier populaire. Il était un parfait inconnu il y a deux semaines. Et puis, il a surgi à la tête de l’opposition, élu président du Parlement. C’est un aller simple pour la prison. Juan Guaido a d’ailleurs été arrêté illico sur l’autoroute, une scène de film américain, avec l’intimidation en direct. La police l’a relâché au bout d’une heure.
>> De 7h à 9h, c’est deux heures d’info avec Nikos Aliagas sur Europe 1. Retrouvez le replay ici
Mise en orbite. Elle a eu tort : il n’est pas intimidé. Au contraire, il accélère, pied au plancher. Il dénonce l’imposture de Nicolas Maduro, appelle à des élections libres et organise une grande manifestation, comme on n’en voyait plus à Caracas. Mercredi, au milieu de la foule, il a passé la cinquième. Il s’est proclamé 'président par intérim', aussitôt reconnu comme président légitime par les États-Unis et les pays voisins, qui n’en peuvent plus du chaos vénézuélien. Tout cela en quinze jours : c’est une opération commando, une mise en orbite.
Dans la coulisse, un petit malin joue à l’arroseur arrosé. Il y a quatre ans, l’opposition avait obtenu un raz-de-marée aux législatives. Mais le tyrannosaure de Caracas, Nicolas Maduro, n’est pas du genre à cohabiter. Alors il a contourné le Parlement, en mettant sur pied une Assemblée constituante et en lui transférant le pouvoir législatif. Les opposants se sont égosillés, en vain. Il leur a dénié toute autorité. Ensuite, il s’est fait réélire, en empêchant ses adversaires de se présenter.
Amnistie promis aux militaires. Juan Guaido, lui, fait à peu près la même chose. Il est président de l’Assemblée nationale et décrète donc qu’il est le représentant légitime du peuple. Il contourne Maduro et lui dénie tout pouvoir. C’est bien un putsch, mais sans uniforme. On dit que l’armée est la seule institution encore debout au Venezuela. Et encore, il y a une mutinerie tous les six mois et la dernière a eu lieu lundi. Les purges sont permanentes, Nicolas Maduro s’en méfie. Juan Guaido a promis l’amnistie aux militaires, ce qui est une façon de leur dire qu’ils auront des comptes à rendre s’ils continuent à soutenir le régime. Les casernes sont un radeau au milieu du naufrage.
Pénuries et inflation record. L’inflation devrait atteindre 10.000.000% en 2019, selon les prévisions du FMI. Il y a pénurie de tout, et pas seulement de libertés. Quatre hôpitaux sur cinq n’ont plus l’eau courante. Cinq millions de Vénézuéliens se préparent à prendre les routes de l’exil, 2,5 millions de leurs compatriotes les ont précédés, faisant tanguer les pays voisins. Un désastre humanitaire jamais vu en Amérique latine, tout cela dans un émirat pétrolier."