Alors que l'enquête suit son cours pour identifier la totalité des auteurs impliqués dans les attentats de Bruxelles, mardi, Gilles Kepel est revenu mercredi soir, sur Europe 1, sur la mécanique terroriste et ses origines en Belgique.
"Rien n'indique qu'il y ait des ordres stricts donnés d'en haut". "Daech, ce sont des réseaux qui fonctionnent par le bas. C’est la différence avec Al-Qaïda", explique le sociologue spécialiste de l'islam, auteur de Terreur dans l'Hexagone, Genèse du djihad français. "Rien n’indique qu’il y ait des ordres stricts donnés d’en haut. D’ailleurs, le communiqué de revendication est un communiqué a minima, sans vraiment de détails", remarque-t-il.
Porosité entre banditisme et djihadisme. Comment expliquer qu'un quartier comme Molenbeek soit devenu un terreau du djihadisme ? "Molenbeek est principalement rifaine dans son centre. Le Rif est une des principales régions productrices de haschich. Molenbeek et Sevran sont les têtes de pont et les lieux de redistribution du shit, qui, évidemment, génère toute une délinquance avec des armes. Les djihadistes ont besoin d’armes, et c’est ainsi qu’il y a cette porosité entre les deux milieux. Porosité qui s’est aussi structurée par la prison, par ce que j’appelle l’incubateur carcéral. Cette interpénétration, quand vous n’avez pas de figure étatique forte à laquelle vous identifier, a d’autant plus de succès", continue Gilles Kepel.
Deux des auteurs des attentats de Bruxelles, Khalid et Ibrahim El Bakraoui, étaient en effet bien connus de la justice belge. Ainsi, s'ils avaient de "lourds antécédents judiciaires", selon les termes du procureur, ils étaient jusqu'à présent connus pour des faits de grand banditisme et non de terrorisme. Les deux frères avaient déjà été condamnés pour des braquages et vols avec violence. Khalid El Bakraoui aurait également loué, sous une fausse identité, une planque ayant servi à Salah Abdeslam. "Ce qui a permis a Abdeslam de tenir quatre mois, ce n’est pas tant le réseau du salafisme, c’est le réseau du banditisme", affirme ainsi Gilles Kepel.
"Quand on a voulu les alerter, les autorités s'en sont complètement foutues". Les attentats de Bruxelles relèvent enfin d'une stratégie bien particulière du groupe terroriste, mais qui n'est pas si neuve que cela. "L’objectif, c’est de multiplier les attentats pour faire craquer les sociétés européennes", résume Gilles Kepel. "C’est ce qu’ils appellent le management de la sauvagerie. Cela fait quinze ans que cela existe. Mais quand on a voulu les alerter, les autorités s’en sont complètement foutues", conclut le politologue.