Au Venezuela, les rues de la capitale Caracas étaient noires de monde samedi. Des dizaines de milliers d'opposants vénézuéliens ont défilé pour soutenir Juan Guaido, le président auto-proclamé, tandis que dans le même temps, les chavistes, fidèle au président élu Nicolas Maduro célébraient les 20 ans de la "révolution bolivarienne".
L'influence des États-Unis. "C'était surtout pour monsieur Maduro une fenêtre d'opportunité qu'il ne pouvait pas manquer, compte tenu de la perte de pouvoir qu'il a eue ces dernières semaines", analyse au micro d'Europe 1 Gaspard Estrada, directeur exécutif de l'Observatoire politique de l’Amérique latine et des Caraïbes à Sciences-Po Paris. Depuis plusieurs semaines, de plus en plus de pays, en tête desquels les États-Unis, reconnaissent Juan Guaido, initialement président de l'Assemblée nationale du Venezuela, comme le président légitime. De son côté, la France a fait savoir que si aucune présidentielle anticipée n'était annoncée d'ici dimanche soir par Nicolas Maduro, elle reconnaîtrait officiellement Juan Guaido.
"Monsieur Maduro dénonce depuis déjà de nombreuses années l'impérialisme américain. En ce qui concerne la reconnaissance internationale à monsieur Guaido, il est clair que les États-Unis jouent un rôle très important, y compris en faisant pression sur certains pays européens - je pense à l'Espagne et au Portugal -, pour qu'il y ait une reconnaissance rapide de l'opposition, ce qui pourrait contribuer à la chute de monsieur Maduro", poursuit ce spécialiste de l'Amérique latine.
L'armée, juge de paix ? Pour autant, l'armée reste un acteur clef dans cette lutte de pouvoir. "Pour qu'il y ait réellement un changement de régime au Venezuela, il faut que l'armée décide de lâcher monsieur Maduro, et aujourd'hui, on n'a pas vu de défection massive", pointe Gaspard Estrada, malgré quelques ralliements dans les hautes sphères, le dernier en date étant celui de Francisco Estéban Yánez Rodríguez, général de division de l'armée de l'air vénézuélienne, qui a demandé aux troupes de soutenir Juan Guaido. Une initiative qui, pour l'heure, ne peut suffire à faire basculer les militaires en faveur de l'opposition.
"Depuis 2013, Nicolas Maduro a procédé à une réorganisation de l'armée vénézuélienne. Il a nommé plus de 1.000 généraux en cinq ans […] Il faut relativiser la poids de cette défection', et ce, ce malgré la tension, de plus en plus vive, entre les hautes gradés, "qui ont accès aux dollars puisque l'armée a l'accès aux ressources pétrolières du pays", et la base qui vit dans les casernes et partage le quotidien difficile de la population.
Le rôle implicite de la Chine. La Chine, grand partenaire économique du Venezuela, pourrait également jouer un rôle de contrepoids pour maintenir l'armée dans le giron du pouvoir. "Elle est le principal acheteur du pétrole et de la dette vénézuélienne", rappelle Gaspard Estrada. "En raison des sanctions imposées par Washington ces derniers jours, sans le soutien de la Chine, Maduro et les militaires n'auraient plus accès aux dollars pour pouvoir financer les importations", le Venezuela étant un pays qui vit à 96% des exportations de brut. Sans les dollars liés au pétrole, rien n'est accessible au pays. Si le partenaire chinois se tourne vers Juan Guaido, l'armée pourrait donc être amenée à revoir très rapidement la position qu'elle défend actuellement.