C’est une "blacklist" établie par le Kremlin en riposte aux sanctions et à une mesure similaire de l'UE. Au total, 89 noms, dont ceux d'anciens chefs de gouvernement, de hauts responsables de la défense et de parlementaires, détracteurs de la politique de la Russie, figurent sur cette liste que Moscou a transmise vendredi à des ambassades. Parmi eux, quatre Français : Daniel Cohn-Bendit, Bernard-Henri Lévy, Henri Malosse – président du comité économique et social européen - et le député PS Bruno Le Roux, rapporte le quotidien Libération, document à l’appui. Tandis que Cohn-Bendit s'est dit plutôt amusé par la nouvelle, Bruno Le Roux, lui, a estimé que cette démarche constituait "un acte d'hostilité"envers l'Europe.
Une mesure "arbitraire et injustifiée" dénonce l’UE. "Nous n'avons aucune information sur la base légale, les critères (retenus) et le processus (qui a conduit à la prise) de cette décision", a réagi un porte-parole de la diplomatie européenne, samedi. "Nous considérons cette mesure comme étant totalement arbitraire et injustifiée, surtout en l'absence de clarification ultérieure et de transparence", a ajouté ce porte-parole dans un communiqué.
Une riposte... Cette liste dressée par le Kremlin est une réponse à l'interdiction faite par l'Union européenne à des citoyens russes de voyager sur son territoire. Un responsable du ministère russe des Affaires étrangères a déclaré, samedi, à l'agence Tass qu’elle avait été établie "en réponse à la campagne de sanctions menée contre la Russie par plusieurs Etats de l'Union européenne emmenés par l'Allemagne". "Une liste analogue concerne des citoyens des Etats-Unis mais il nous faut bien reconnaître que dans cette affaire les Américains se conduisent de manière plus constructive que les Européens", a-t-il ajouté.
… à la liste noire européenne. L'Union européenne a imposé des sanctions à la Russie depuis l'annexion de la Crimée en mars 2014. Des interdictions de territoire visent notamment des ressortissants russes et Ukrainiens. Au fil de la crise en Ukraine, l'UE a d'ailleurs allongé sa propre "liste noire", qui compte désormais quelque 150 noms et une quarantaine d'entités, et pris des mesures plus sévères contre la Russie, visant des pans entiers de l'économie.
Des européens fiers d’être sur la "liste noire"... Dans le même temps, samedi, plusieurs hommes politiques européens se sont dits fiers d'avoir été inclus sur cette "liste noire ». Y figurent neuf Britanniques, dont le patron du renseignement MI5, Andrew Parker, l'ancien vice-Premier ministre Nick Clegg ou encore l'ancien ministre des Affaires étrangères Malcolm Rifkind. On y trouve aussi ceux d'hommes et de femmes politiques polonais, suédois, allemands, tchèques, néerlandais, finlandais et belges, dont le président du groupe libéral au Parlement européen et ancien Premier ministre belge Guy Verhofstadt et l'ex-président du Parlement européen et ancien chef du gouvernement polonais Jerzy Buzek. Certaines de ces personnalités jugent que tout cela est une preuve de l'efficacité de leur action en faveur de l'Ukraine.
... à l'instar de Cohn-Bendit. L’eurodéputé Daniel Cohn-Bendit, qui vient d’obtenir la nationalité française, et figure sur la liste en compagnie de l’intellectuel Bernard-Henri Lévy, Henri Malosse et le député PS Bruno Le Roux, "a éclaté de rire" lorsqu'il a appris la nouvelle, a-t-il confié Europe 1. Mais cette décision n'étonne pas celui qui a "rencontré pas mal de dissidents". Et de conclure : "J'étais déjà interdit de séjour en Allemagne de l'Est, j'ai énormément de difficultés à aller en Chine. Bref, les Etats totalitaires ne m’aiment pas. Et ça, je trouve que c'est un honneur pour moi."
"Une nouvelle escalade" dénonce Le Roux. Bruno Le Roux, président du groupe PS à l'Assemblée, qui figure sur la "liste noire" du Kremlin, a dénoncé dimanche ce qu'il qualifie d'"acte d'hostilité" envers "l'Europe, la France et le parlement français". "Il y a là un nouvel acte d'escalade de la part de la Russie", a-t-il estimé. La première réaction du député a été de trouver ça "surprenant" mais, au final, cela ne lui fait "ni chaud ni froid", n'ayant "pas prévu de (se) rendre en Russie pour rendre hommage au président Poutine".
Des "explications" bientôt demandées à l'ambassade russe. Le sénateur Gérard Longuet, président du groupe France-Russie, a annoncé sur Europe 1 qu'il demanderait des explications à l'ambassade russe. "L'exclusion n'est pas une condition favorable au dialogue", estime-t-il. Les personnes figurant sur la "liste noire" du Kremlin sont des "hommes de conviction" qui "ont le droit de s'exprimer en France, dans le monde et en Russie aussi", tient-il à rappeler.