Le pape François est reparti dimanche soir vers Rome après avoir célébré une messe géante à Lima, dernière étape de sa tournée en Amérique latine, dont il a dénoncé avec force la corruption qui rend la politique "malade".
"La politique est malade, très malade". Face à une foule d'1,3 million de personnes, selon les autorités, le souverain pontife a notamment déploré la misère des villes dont sont victimes "beaucoup d'enfants et d'adolescents", pourtant "le visage de l'avenir". Mais son message le plus virulent était survenu un peu plus tôt, quand il a condamné la corruption en Amérique latine, estimant que "la politique est malade, très malade", dans sa région d'origine.
S'exprimant devant les évêques péruviens, le pape argentin avait pris l'exemple du pays qui l'accueille : "Que se passe-t-il au Pérou ? Quand quelqu'un quitte la présidence, on le met en prison". L'actuel président, Pedro Pablo Kuczynski, vient d'échapper à une destitution pour ses liens avec le géant du BTP brésilien Odebrecht, au cœur d'un vaste scandale de corruption qui éclabousse la région. Plusieurs ex-chefs d'État péruviens sont incarcérés ou visés par un mandat d'arrêt international.
Un passage difficile par le Chili. La ferveur des Péruviens, qui l'ont accueilli chaleureusement pour la dernière étape de sa tournée en Amérique latine, tranche avec l'accueil plutôt froid lors de son étape au Chili, pays secoué par la polémique sur les scandales de pédophilie. Après le déjeuner, le souverain pontife de 81 ans avait traversé la capitale sous les acclamations d'une foule enthousiaste agitant drapeaux et ballons. Très attendu en début de semaine au Chili sur les scandales d'abus sexuels perpétrés par des prêtres, le pape avait d'abord marqué des points en rencontrant des victimes et en exprimant "sa honte".
Une accolade polémique. Mais il a ensuite brouillé son message et choqué bon nombre de Chiliens au dernier jour de sa visite, en donnant une accolade publique à Mgr Juan Barros, soupçonné d'avoir gardé sous silence les agissements d'un vieux prêtre pédophile défroqué par le Vatican. "Le jour où vous m'apportez une preuve contre l'évêque Barros, je vous parlerai. Il n'y a pas une seule preuve contre lui. Tout est calomnie. C'est clair ?", avait aussi lancé jeudi le pape, interpellé par des journalistes chiliens.
Le cardinal Sean Patrick O'Malley, qui dirige une commission anti-pédophilie au sein du Vatican, a jugé "compréhensible" samedi que les propos du pape aient pu provoquer "une grande douleur" chez les victimes. Mais il a souligné sa grande sincérité lorsqu'il prône la tolérance zéro contre les actes pédophiles au sein de l'Église. Mais la polémique ne suffit pas à expliquer le moindre engouement des Chiliens envers la visite papale.
Des Chiliens méfiants envers l'Église. Ceux-ci, marqués par la dictature d'Augusto Pinochet, sont méfiants envers toutes les formes de pouvoir, y compris celui de l'Église, explique un observateur. Et ce pays, le plus critique de l'Église catholique en Amérique latine, connaît une révolution sociétale qui cadre peu avec une église réputée conservatrice et quelque peu hautaine : il a notamment approuvé l'avortement thérapeutique et les unions civiles entre personnes du même sexe.