Le démarrage du scrutin présidentiel russe, voué à réélire triomphalement Vladimir Poutine, a été perturbé vendredi par des actions de protestation isolées et de nouvelles attaques venues d'Ukraine dans les régions frontalières. Le scrutin qui s'étale de vendredi à dimanche doit voir le maître du Kremlin reconduit pour un mandat supplémentaire de six ans, l'opposition ayant été éradiquée. Pour autant, le vote ne se déroule pas sans accrocs.
Aucune critique ni opposition n'est tolérée
Huit personnes ont été arrêtées pour des dégradations dans des bureaux de vote, ont indiqué les autorités dans des communiqués distincts. Une femme a été interpellée après avoir incendié un isoloir à Moscou, selon des médias russes. Cinq personnes ont été "placées en détention" à Moscou et dans les régions de Voronej, Rostov et Karatchaïévo-Tcherkessie après avoir aspergé d'un "liquide colorant" des bulletins dans des urnes. Une personne a été interpellée pour avoir tenté de mettre le feu à une urne à Khanty-Mansisk en Sibérie, et une autre pour avoir tenté d'allumer un pétard dans un bureau de vote de la région de Tcheliabinsk. Le parquet de la capitale russe avait mis en garde jeudi contre toute protestation, aucune critique ni opposition n'étant tolérée dans le pays.
Une bombe a également explosé vendredi sans faire de victimes devant un bureau de vote dans la région de Kherson, occupée par la Russie dans le sud de l'Ukraine, au premier jour d'un scrutin présidentiel devant reconduire Vladimir Poutine. "À Skadovsk, un engin explosif improvisé a été placé dans une poubelle devant le bureau de vote. Il y a eu une détonation, pas de victime", a indiqué sur Telegram la commission électorale régionale liée à l'occupation russe. Selon elle, les forces ukrainiennes ont aussi bombardé deux commissions électorales locales sans faire de victime.
À la veille du scrutin, Vladimir Poutine, 71 ans dont 24 au pouvoir, a enjoint à ses compatriotes de ne pas se "détourner du chemin" en ces temps "difficiles", référence aux conséquences de l'assaut qu'il a lancé contre l'Ukraine il y a plus de deux ans. Le président sortant fait face à trois candidats sans envergure qui ne s'opposent ni à l'offensive en Ukraine, ni à la répression qui a éradiqué toute opposition, culminant avec la mort en prison mi-février du détracteur du Kremlin Alexeï Navalny.
Le seul opposant à avoir tenté de se présenter, Boris Nadejdine, a vu sa candidature rejetée. La veuve d'Alexeï Navalny, Ioulia Navalnaïa, qui a juré de poursuivre son combat, a appelé pour sa part les Russes à protester en allant voter pour n'importe lequel des candidats, à l'exception de Poutine. Elle a aussi appelé les Russes soutenant l'opposition à se rendre dans les bureaux de vote au même moment, dimanche à 12H00, pour montrer qu'ils sont nombreux.
Une élection vu comme une "farce" par la diplomatie ukrainienne
Le scrutin a ouvert à 08H00 vendredi sur la péninsule du Kamtchatka et en Tchoukotka, deux régions reculées de l'Extrême-Orient russe. Il s'achèvera dimanche à 20H00 à Kaliningrad, enclave russe au sein de l'Union européenne. Dans une école de Moscou, des dizaines d'habitants sont venus dès l'ouverture du bureau, sous un grand soleil d'hiver. Lioudmila, une retraitée âgée de 70 ans, dit vouloir "en premier, la victoire" en Ukraine. Pour elle, cela passe par un vote pour Vladimir Poutine.
Natan, ancien ouvrier de 72 ans, a, lui aussi, donné sa voix à l'actuel président avec l'espoir de voir davantage d'emplois et "qu'il n'y ait aucune guerre". Avec ce scrutin, Vladimir Poutine se maintiendra au pouvoir jusqu'en 2030 et pourra se représenter pour rester aux commandes jusqu'en 2036, l'année de ses 84 ans. Il avait fait réformer la Constitution à cette fin en 2020.
Le président du Conseil européen Charles Michel a lui "félicité" avec ironie vendredi Vladimir Poutine "pour sa victoire écrasante lors d'élections qui débutent aujourd'hui". Les États-Unis ont critiqué le scrutin, et la diplomatie ukrainienne a appelé la communauté internationale à rejeter le résultat de cette "farce".
14 personnes ont été tuées à Odessa
L'Ukraine a accru en outre la pression militaire sur les régions russes frontalières de Belgorod et Koursk, visées par une multitude d'attaques de drones et des incursions d'unités militaires composées de Russes anti-Kremlin. L'armée russe a dit vendredi avoir repoussé depuis le 12 mars de multiples incursions de combattants venus d'Ukraine, admettant avoir dû recourir à l'artillerie et l'aviation. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a estimé vendredi que ces attaques visaient à "déstabiliser les élections".
Un civil a été tué et deux autres blessés à Belgorod dans un bombardement ukrainien, selon le gouverneur Viatcheslav Gladkov, qui avait indiqué plus tôt qu'un combattant était également décédé dans une autre frappe. En parallèle, les attaques de drones se multiplient dans les régions russes frontalières, mais aussi à des centaines de kilomètres du front, Kiev ayant promis des représailles aux bombardements que l'Ukraine subit depuis plus de deux ans.
Vendredi, trois enfants ont également été tués dans une frappe ukrainienne à Donetsk, ville occupée de l'Est ukrainien, selon son maire prorusse Alexeï Koulemzine. La Russie poursuit, elle, ses bombardements quotidiens de l'Ukraine, notamment à Odessa, où au moins 14 personnes ont été tuées selon les autorités locales.