La Corée du Nord est en fête. Le pays célèbre depuis vendredi ses 70 ans d'existence, soit autant d'années placées sous la dynastie des Kim et sous l'emprise de l'armée. Chose très rare, les journalistes occidentaux ont été conviés par le régime à assister aux festivités, l'occasion pour l'envoyé spécial d'Europe 1 de s'interroger sur les ressorts du culte sans condition que les habitants vouent à leurs soldats et à leur leader bien-aimé, en l'occurrence Kim Jong Un.
Des petits militaires en herbe. Cette adoration se met en place dès le plus jeune âge, comme a pu le constater Europe 1. Pour s'en convaincre, il suffit de se rendre dans une usine d'État - dont la visite ne peut se faire que sous l'étroite surveillance de responsables officiels - et de pousser la porte de la crèche d'entreprise, installée derrière un entrepôt. À bien y regarder, sur le manège défraîchi qui trône au fond de la cour, ce ne sont pas des chevaux qu'enfourchent les enfants, mais de petits avions de chasse. Au centre du carrousel, un missile aux couleurs du pays pointe vers le ciel. Juste en-face, sur un mur, une fresque représente deux enfants habillés en soldats, juchés sur des chars d'assaut et faisant le salut militaire.
Et comme si ce décorum à la gloire des armées ne suffisait pas, il y a cette musique diffusée dans des haut-parleurs, un chant pour enfants à la gloire de Kim Jong Un, explique la directrice de la crèche. "Les enfants de nos crèches sont les rois de ce pays. Leur présence ici leur est offerte", insiste-t-elle. "Alors, dès la naissance, ils reçoivent l'amour de notre grand leader. Dès la petite enfance, ils le respectent. Comme cela, ils peuvent avoir une vie heureuse dans nos établissements. C'est en apprenant et en chantant ces chansons que nos enfants remercient notre chef suprême", explique encore la puéricultrice.
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Une histoire relue à la lumière de l'idéologie d'Etat. En Corée du Nord, il semble que chaque établissement a sa devise affichée en grandes lettres pour motiver les employés. "Soyez forts dans l'Education et dans l'Idéologie", clament par exemple les murs d'un institut de formation pour professeurs des écoles. Pour le régime, l'enjeu n'est pas négligeable ; c'est ici que sont formés les Nord-coréens qui formeront à leur tour les élèves de primaire.
Dans l'un des livres de géographie utilisé pour l'enseignement de ces derniers, un détail saute aux yeux : le pays apparaît en un seul bloc, nulle part il n'est question de la guerre et de la séparation de la péninsule en 1953. Et lorsqu'on fait la remarque auprès des professeurs, l'un des guides qui accompagne la visite, employé du ministère de l'Information, intervient aussitôt : "Ce sera sûrement dans la leçon d'après".
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Saturation visuelle. Dans cet établissement, les chants à la gloire de Kim Jong Un ont laissé la place à des tableaux et des photos du "dirigeant suprême". Lorsque celui-ci fait l'honneur d'une visite aux salariés d'une entreprise, tout ce qu'il touche est mis sous verre et exposé : une table, une chaise, photos à l'appui pour prouver qu'il s'est bien assis là. Les clichés à la gloire de l'armée, pris lors des gigantesques défilés militaires dont le régime raffole tant, sont également légion. "Lorsqu'on montre aux enfants des images de l'armée ou bien des photos militaires, ils ressentent la force de notre nation, la force de notre pays. C'est quelque chose que nous intégrons à l'Education", explique la doyenne de l'établissement de formation d'instituteurs.
Nul doute que l'impressionnante parade des 70 ans de la Corée du Nord vienne nourrir de ses clichés l'iconographie militaire, si chère au régime. ©DR.
Ces visuels ne lâchent jamais les Nord-Coréens, dans la rue ou sur leur lieu de travail. Ils le cèdent parfois à d'imposantes affiches du parti dont le design rappelle les grandes heures de l'URSS. Un slogan y revient plus souvent que d'autres, faucille et marteau à l'appui : "Attaquons-nous à l'économie". Tel est le nouveau credo de Kim Jong Un. Le peuple n'a plus qu'à suivre…