Mohamed VI Macron 7:26
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Juline Garnier avec AFP / Crédit photo : AFP / FADEL SENNA / AFP , modifié à
Alors que l'aide internationale s'organise pour soutenir le Maroc, durement touché par un séisme de magnitude 7 vendredi soir, seuls quatre pays ont reçu l'autorisation d'envoyer des équipes de sauvetage : l'Espagne, la Grande-Bretagne, le Qatar et les Émirats arabes unis. La proposition de la France, elle, est restée sans réponse. Pourquoi un tel silence ? Europe 1 fait le point.
DÉCRYPTAGE

Presque trois jours après le séisme ayant touché le cœur du Maroc, les secouristes sont à pied d'œuvre pour venir en aide aux rescapés dans la province d'Al Haouz, et, peut-être, sortir des gravats les derniers survivants. Pour autant, l'organisation de l'aide et l'acheminement des dons sont compliqués. D'une part car la zone sinistrée est difficile d'accès - avec une seule route sinueuse qui monte jusqu'aux villages démolis - mais aussi car seuls quatre pays ont reçu l'autorisation d'envoyer des équipes de sauvetage : l'Espagne, la Grande-Bretagne, le Qatar et les Émirats arabes unis.

Des incidents diplomatiques de longue date

Alors invité du sommet du G20, à New Delhi, Emmanuel Macron a déclaré "qu'à la seconde" où l'aide française "sera demandée, elle sera déployée". Mais pour le moment cette proposition n'a reçu aucune réponse. Comment l'expliquer ? Le ministère de l'Intérieur marocain a dit se méfier d'un engorgement de l'aide internationale et d'un manque de coordination qui serait "contre-productif". Il faut dire qu'une soixantaine de pays, des États-Unis à Israël, ont proposé leur soutien. Mais pour le cas de la France, cette décision n'explique pas tout.

Pour la comprendre, il faut également se pencher sur les relations entre Paris et Rabat, qui ne sont pas au beau fixe. Selon Louis de Raguenel, chef du service politique d'Europe 1, cette situation a débuté en 2014 avec l'affaire Abdellatif Hammouchi. Lors d'un voyage en France au côté du ministre de l'Intérieur marocain, le patron de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) a failli se faire interpeller à Paris. "Des juges et des policiers ont débarqué à la résidence de l'ambassadeur du Maroc en France pour l'interroger sur des prétendus actes de torture", précise-t-il au micro de Pascal Praud. Une décision qui n'est pas du tout passée à Rabat.

Au-delà de cette affaire, et plus récemment, le lien entre les deux pays a été plus qu'entaché avec l'affaire Pegasus, ce logiciel espion qui aurait été utilisé par le Maroc. L’un des téléphones du président de la République, mais aussi ceux de l’ex-premier ministre, de 14 ministres et de collaborateurs d’Emmanuel Macron avaient ainsi été ciblés. Il y avait aussi l’épineux sujet des visas : en septembre 2021, Paris avait décidé de diviser par deux le nombre de permis d’entrer accordés aux Marocains, avant un retour à la normale en décembre 2022.

Rabat s'impatiente également car Paris ne semble pas enclin à bouger les lignes sur dossier complexe du Sahara occidental. Pour le Maroc, le Sahara occidental prend l'ascendant sur tout autre sujet. Rabat souhaite que la France reconnaisse la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, à l'instar des États-Unis et de l'Espagne. Les incidents diplomatiques empoisonnent les discrètes tentatives de rapprochement entre Paris et Rabat. Et depuis des mois, il n'y a plus d'ambassadeur du Maroc en France.

Pas de polémique

Mais ce lundi matin, la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, s'est attachée à tuer dans l'œuf la polémique. "C'est une mauvaise querelle, une querelle tout à fait déplacée", a déclaré la ministre Catherine Colonna, sur la chaîne BFMTV. "Le Maroc n'a refusé aucune aide, aucune proposition. Ce n'est pas comme ça qu'il faut présenter les choses", a-t-elle ajouté, martelant que "le Maroc est souverain". 

La ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a également annoncé le déblocage de 5 millions d'euros pour les ONG présentes au Maroc afin d'aider les victimes du séisme. Le président de l'ONG française Secouristes sans frontières, Arnaud Fraisse, a pour sa part indiqué dimanche matin sur France Inter que des équipes étaient restées à l'aéroport d'Orly "car le gouvernement marocain bloque complètement toutes les équipes de secours". Une manière de montrer la volonté de la France d'aider ce pays longtemps ami de la France.