Une interview bidonnée de Fidel Castro, des accusations de plagiats dans plusieurs de ses livres, une condamnation à 15 mois de prison avec sursis dans l'affaire Botton... Rien dans sa carrière n'aura empêché Patrick Poivre d'Arvor de conserver son siège à la tête du 20h de TF1. PPDA, un "intouchable" de la télé qui aurait profité de son statut de journaliste star ? C'est en tout cas cet adjectif que choisit Complément d'enquête pour son numéro diffusé jeudi soir sur France 2, et qui s'intéresse aux 16 plaintes pour viols et pour harcèlement sexuel qui visent le journaliste. Culture Médias a vu l'émission en avant-première, son réalisateur Romain Verley explique ce que révèle son enquête.
Le montage de l'enquête PPDA, la chute d'un intouchable s'est achevé la veille de sa diffusion, après une plainte déposée par PPDA contre les 16 femmes qui l'ont accusé. "PPDA est dans une offensive non pas médiatique, mais judiciaire, juridique. Il attaque 16 femmes pour mensonge", précise Romain Verley. "PPDA déclare que ces femmes sont 'des femmes éconduites, en mal de renommée, et/ou féministes de la dernière heure'. Ces femmes qui accusent PPDA de harcèlement et de violence sexuelle ne sont attirées, selon lui, 'que par l'argent, le pouvoir, la célébrité' et qu'elles ne font ça que 'par vengeance".
Quatre lettres dévoilées par PPDA
Cette plainte du journaliste de 74 ans est-elle en rapport avec l'annonce de la diffusion de l'émission Complément d'enquête ? "La coïncidence est troublante", observe Romain Verley, qui travaille sur cette enquête depuis six mois. "Nous avons proposé à de multiples reprises à PPDA et à ses deux avocats d'être présents dans mon reportage. Ils ont toujours refusé", ajoute-t-il. "Nous avons fait une enquête à charge et à décharge."
"Cette plainte de 43 pages est d'une extrême virulence. Pour sa défense, PPDA produit des lettres de quatre de ses accusatrices, des lettres qui auraient été écrites après les faits d'agressions qu'elles dénoncent. Et, selon PPDA, ces lettres sont affectueuses et seraient incompatibles avec des faits de viol ou d'agression."
"Vous découvrirez ces lettres dans Complément d'enquête. Dans la plainte, elles ne sont pas reproduites in extenso, ce sont des fac-similés. Il faut les remettre dans le contexte dans lequel elles ont été écrites, par des femmes qui pouvaient être sous emprise, qui souvent étaient en situation d'infériorité, stagiaires ou jeunes journalistes. Ces lettres existent, elles sont dans le dossier judiciaire, donc nous devions en parler."
La révélation d'une septième plainte pour viol
Autre révélation de Complément d'enquête, la nouvelle plainte pour viol déposée mercredi 27 avril contre PPDA par une femme que l'émission choisit d'appeler "Mathilde". À l'époque des faits, Mathilde a 24 ans. Jeune diplômée, elle fait ses débuts chez TF1. PPDA la convoque un soir dans son bureau. Il lui demande si elle a un petit ami. Elle lui répond que non. "Là, il se lève, il fait le tour de son immense bureau, il vient s'asseoir à côté de moi, il met ses mains sur mes épaules et il m'embrasse", explique Mathilde dans Complément d'enquête. "Il me bascule sur la moquette. Ma tête est partie ailleurs. Mon corps était là, mais je n'étais plus là. Il a enlevé mon pantalon. Il a enlevé son pantalon. Et il m'a violée. Je ne pouvais pas bouger. De toute façon, je n'avais plus aucun réflexe."
"Son témoignage est bouleversant. Il est au cœur de notre émission", précise Romain Verley. "27 ans après les faits, elle témoigne devant ma caméra. Aujourd'hui, sa plainte est la septième plainte pour viol contre PPDA."
Des agissements similaires à Radio Classique
Complément d'enquête donne également la parole à Marie (le prénom a également été modifié), qui dénonce les agissements de PPDA à Radio Classique. Des faits qui sont, cette fois-ci, non-prescrits. "Elle raconte son premier jour de stage à Radio Classique. Elle a 24 ans, PPDA a 68 ans. Il la cite à l'antenne, la reçoit dans son bureau et l'invite à une première de théâtre. Elle ne connaît pas la réputation de PPDA, elle se dit qu'il va peut-être devenir son mentor. Et elle accepte l'invitation", détaille Romain Verley.
"Et là, elle nous raconte un calvaire. Elle nous dit qu'elle est tombée dans un piège. Elle dit que, déjà sur le scooter, il a la main baladeuse, qu'au théâtre elle a l'impression d'être une potiche", poursuit le réalisateur. "Elle explique qu'il a encore des mains baladeuses pendant le spectacle. Il tente de l'embrasser à deux reprises à la sortie du théâtre, elle refuse. Le lendemain, elle retourne à son stage. Tous les soirs, dit-elle, PPDA lui fait des propositions de week-end, veut la masser. Au bout d'un mois, elle abandonne ce qui est le stage de sa vie."
Une profession qui savait ?
Catherine Lambret, ancienne directrice de la prestigieuse école de journalisme IPJ, explique à Complément d'enquête qu'elle n'envoyait jamais de jeunes étudiantes en stage dans les rédactions où travaillait PPDA. "Sa réputation était d'attaquer les filles", explique-t-il dans l'émission de France 2. "L'ensemble des journalistes de la rédaction de TF1 disaient qu'il ne fallait pas rester dans les bureaux en fin de journée, ne pas être la dernière à partir, sinon PPDA risquait de se jeter sur vous."
À l'inverse, les anciens salariés contactés par Romain Verley disent qu'ils n'étaient au courant de rien. "Mais, si Catherine Lambret nous dit cela, c'est que les professeurs de l'école étaient des journalistes d'Antenne 2 et de TF1, où travaillait PPDA, et qui lui disaient de ne pas envoyer de jeunes étudiantes et de se méfier de PPDA", dévoile le réalisateur.
Le numéro de Complément d'enquête intitulé PPDA, la chute d'un intouchable est diffusé jeudi soir à 23 heures sur France 2. Il revient également sur les frasques déontologiques de PPDA et son influence au sein de la tour de TF1.