Les uns après les autres, les anciens ministres dégainent. Depuis la rentrée, c'est un festival de critiques qui s'abat sur l'exécutif, en provenance du propre camp politique de François Hollande. La série s'est amplifiée mercredi matin avec une sortie cinglante de Benoît Hamon. Pour l'ancien ministre de l'Education, qui a quitté fin août le gouvernement, la politique d'économies menée par l'exécutif "menace la République". Mais d'autres "ex" avaient ouvert le bal il y a deux mois, que ce soit devant un micro ou en prenant la plume.
Duflot et "le président de personne"
Première à ouvrir les hostilités, Cécile Duflot a publié fin août De l'intérieur (Fayard), un livre à charge contre le chef de l'Etat. "J'ai voté Hollande, cru en lui et été déçue", écrit-elle. "Faute d'avoir voulu être un président de gauche, il n'a jamais trouvé ni sa base sociale ni ses soutiens. A force d'avoir voulu être le président de tous, il n'a su être le président de personne. Cela n'est pas une question de tempérament, c'est la conséquence d'une succession de choix souvent inattendus et, parfois, incohérents entre eux."
Quant à Manuel Valls, il n'est pas épargné non plus. "Quelle est la différence avec la droite ?", fait mine de s'interroger l'ex-ministre du Logement à propos des positions du Premier ministre. "Dans la ligne qu'il incarne, je ne me reconnaîtrai jamais. Elle est contraire... à ce que je suis".
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Montebourg et "le programme de la droite allemande"
Ecarté du gouvernement pour avoir franchi la "ligne jaune" aux yeux de Matignon, Arnaud Montebourg ne retient pas ses coups contre la ligne du gouvernement. "La vérité est que les Français ont voté pour la gauche et qu'ils se retrouvent avec le programme de la droite allemande", a ainsi asséné l'ex-locataire de Bercy dans Les Inrocks, début septembre. C'est sur la politique de réduction des déficits que Montebourg concentre ses critiques. "Je crois que ce seul objectif, devenu le plus important du quinquennat, est en train de devenir l'erreur fondamentale de ce quinquennat", a-t-il affirmé lors de son université de rentrée, le 5 octobre.
Et loin des caméras, Montebourg se fait encore plus cinglant. "Hollande ment tout le temps. C'est pour ça qu'il est à 20% dans les sondages", critiquait-il en janvier 2014, selon le livre de Valentin Spitz, Montebourg, moi président (L'Archipel).
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Batho et le "câble de transmission sectionné"
Quelques semaines après Cécile Duflot, c'est Delphine Batho qui publiait un livre sur son passage au gouvernement (Insoumise, chez Grasset). Ejectée en juillet 2013, l'ancienne ministre de l'Ecologie n'est pas tendre avec la politique de François Hollande. Décrivant un exécutif sous l'influence des lobbies, elle compare le gouvernement à "un ancien modèle de console de jeux Nintendo dont le câble de transmission jusqu’à l’écran de télévision serait sectionné : en haut, on pense que l’on dirige, on s’obstine à appuyer sur les touches de la manette avec insistance, mais cela fait longtemps que les commandes ne répondent plus".
Dans cet ouvrage, Delphine Batho s'adresse directement à François Hollande : "ton échec le plus grave, c'est d'avoir tourné le dos à tes idées", écrit-elle, avant d'asséner : "au fond, tu le sais bien, il n'y aura pas de deuxième mandat pour toi".
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Hamon et le "désastre démocratique"
Il s'était fait discret lorsqu'il était ministre, malgré son positionnement historique à l'aile gauche du PS. Mais depuis qu'il a quitté le gouvernement, en août, Benoît Hamon a sorti l'artillerie lourde. Mercredi, l'ancien ministre de l'Education a justifié son abstention lors du vote du volet recettes du budget… alors qu'en juin 2014, lorsqu'il était encore au gouvernement, il appelait les "frondeurs" socialistes à soutenir les textes budgétaires, comme l'a remarqué le Huffington Post.
La politique menée par l'exécutif, "parce qu'elle réduit les capacités d'intervention de la puissance publique", "menace la République", a asséné Benoît Hamon sur RFI. Et l'ex-ministre d'accuser implicitement le gouvernement de favoriser la montée du Front national : "la menace de la République, c'est la préparation tout droit, comme on s'y prépare pour 2017, d'un immense désastre démocratique". C'est à dire "non seulement l'arrivée au second tour de la présidentielle de Marine Le Pen sans coup férir, mais en plus la menace que demain, elle dirige le pays".
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Filippetti et la "ligne rouge"
Elle aussi a quitté le gouvernement fin août. "Rien de ce qui s’est passé depuis ne m’amène à regretter ma décision", affirmait Aurélie Filippetti début octobre à Mediapart, épinglant les renoncements de François Hollande : "le discours du Bourget semble avoir été oublié", taclait-elle.
Mercredi, sur RTL, l'ancienne ministre de la Culture a de nouveau justifié son départ : "A un moment, il faut avoir le courage de dire : là, c'est pour moi la ligne rouge. J'ai été loyale pendant deux ans, j'en suis d'ailleurs très fière. Mais à un moment donné, j'ai dit stop, parce que je pense que l'orientation ne pouvait plus être celle-là, à partir du moment où il n'y avait pas de résultats en matière de politique économique et où il y avait un immense mécontentement social dans le pays". Et lorsque le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, l'épingle pour s'être abstenue sur le volet recettes du budget 2015, Aurélie Filippetti rétorque du tac au tac : "je n'ai aucune leçon à recevoir de qui que ce soit". De quoi refroidir encore l'ambiance à gauche.