Réussir sa sortie et choisir elle-même son successeur : voilà un luxe que Martine Aubry compte bien s’autoriser.
Dimanche, pour clore l’université d’été du PS à La Rochelle, celle qui doit passer la main en octobre au congrès de Toulouse, a ainsi remercié les militants, avec de légers trémolos dans la voix, pour "l'espoir qui s'est levé en 2012", mais omis de dire un seul mot sur son successeur.
"C’est comme Kim Il-Sung"…
Pour nombre de cadres du parti, c’est là le signe que Martine Aubry souhaite peser jusqu'au bout sur sa succession. Et de fait, la future-ex-patronne du PS a déjà réussi à couper l'herbe sous le pied des "Hollandais" le mois dernier en présentant une contribution commune avec Jean-Marc Ayrault en vue du congrès.
Cadres et ministres ont été invités à signer ce texte de "rassemblement" à l'exclusion de tout autre, et la quasi totalité des écuries ministérielles et des dirigeants se sont pliés à l'exercice. Le premier signataire de cette "motion" - qui sera soutenue par Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault - sera donc le prétendant le plus sérieux au poste de chef. Et, sauf surprise, celui qui sera désigné comme premier secrétaire à Toulouse.
"C’est comme Kim Il-Sung", a commenté, revêche, un député socialiste interrogé par Le Monde à La Rochelle. "Tout se fait en bilatéral", a renchéri un ministre, dans les colonnes du journal, regrettant le manque d'arbitrage dans son parti : "Martine s’offre la possibilité de décider jusqu’à la dernière minute, et elle en joue de façon pénible".
Un adoubement plus qu’un vote ?
Le "Hollandais" François Rebsamen, un temps pressenti pour le poste, est encore plus direct dans une interview donnée au JDD.fr : "J'ai été très touché de voir que mon nom était cité [...] Mais j'ai cru comprendre qu'il fallait laisser Martine Aubry choisir son successeur".
Les prétendants tenant la corde pour le poste, Harlem Désir, numéro deux du parti, et Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris, ont, de facto, fait très discrètement campagne pendant ces trois jours à La Rochelle. De peur de déplaire à l’actuelle patronne.
Et, ensuite, une fois la main passée, que fera Martine Aubry ? Selon ses proches, la socialiste compte bien utiliser sa mairie de Lille comme base arrière pour peser sur le débat national. A l’image d’un Alain Juppé en son temps, elle ne sera pas comptable des choix du gouvernement. Solidaire des réussites de la gauche, mais pas de ses reniements.
Avec cette liberté de parole, et cette position d’arbitre, elle se tiendra en réserve du gouvernement. Au cas où.