La voix grave, les traits tirés, Jérôme Cahuzac a donné mardi sa première interview télévisée depuis ses aveux le 2 avril. L'ancien ministre du Budget qui a reconnu posséder un compte en Suisse non déclaré a annoncé qu'il quittait son siège de député. Il s'est expliqué sur BFMTV point par point sur l'affaire qui a éclaté en décembre après les révélations du site Mediapart et qui ont mené à sa chute.
• Son compte en Suisse non déclaré, "une folle bêtise" ?
"J'ai commis une folle bêtise, une folle erreur il y a plus de vingt ans", a déclaré l'ancien ministre. "Ne me demandez pas pourquoi on commet une folle bêtise, par définition, folie et bêtise sont difficilement explicables. Mais quoi qu'il en soit, j'avais une part d'ombre et cette part d'ombre est aujourd'hui en pleine lumière."
"J'ai cru qu'en travaillant comme j'ai pu le faire (...), j'ai cru que ce travail ardent, sincère, me permettrait de repousser cette part d'ombre", a-t-il poursuivi. Avant d'ajouter : "En vérité, on ne la repousse pas. Il faut l'affronter."
Pourquoi avoir accepté le poste de ministre du Budget alors qui lui-même se livrait à de l'évasion fiscale ? "A cet instant-là, j'aurais dû avoir la force d'âme de refuser. Non seulement j'aurais pu, mais j'aurais dû dire non. J'ai commis une faute en acceptant ce poste. Je n'ai pas eu la force d'âme, c'est-à-dire la lucidité de refuser. Croyez bien que j'en paie le prix fort ces jours-ci."
• Pourquoi a-t-il décidé d'avouer ?
Le 2 avril, devant les juges, Jérôme Cahuzac passe aux aveux. "Ce n'est pas il y a quinze jours que je le décide, c'est avant", assure-t-il aujourd'hui. "Si le rendez-vous a eu lieu il y a quinze jours avec les magistrats, ce sont pour des raisons d'agenda, ne tenant pas à mon agenda."
"Après ma démission du gouvernement, je comprends qu'il faut cesser avec cette situation parfaitement malsaine. Une situation qui a notamment pour conséquence que je me consume littéralement de l'intérieur", poursuit l'ancien ministre."Car cette contradiction interne que je porte en moi, en vérité je ne la supporte plus."
• Combien y avait-il sur son compte ?
Jérôme Cahuzac s'est montré ferme : "600.000 euros oui, le reste non". Quid des 15 millions évoqués dans les médias suisses ? "Je ne sais pas d'où viennent les rumeurs. Ce que je sais, c'est que la justice française aura tous les documents concernant les activités illicites que j'ai pu avoir hors de nos frontières", a déclaré le ministre. "Les sommes que vous venez d'évoquer n'ont rien à voir avec la réalité. La procédure judiciaire le montrera."
• D'où vient l'argent ?
"De mon travail", répond du tac au tac l'ancien chirurgien qui a ouvert dans les années 1990 une société de conseil de laboratoires pharmaceutiques. Jérôme Cahuzac nie tout conflit d'intérêt : "quand j'étais au cabinet de Claude Evin, j'ai fait mon travail le plus honnêtement possible. Après la chute du gouvernement Rocard, la démission de Claude Evin et donc la fin de mon rôle au ministère de la Santé, j'ai eu une activité légale auprès d'entreprises de santé et notamment de laboratoires pharmaceutiques."
"A partir de 1997, je n'accepte plus aucune mission", a précisé Jérôme Cahuzac. "A partir de 1998, la société de conseil que j'avais créée ne réalise plus un franc de chiffre d'affaires. C'est très facile à démontrer"
"Il n'y avait pas de relation trouble" avec les laboratoires pharmaceutiques, a-t-il assuré. "Il y avait des relations extrêmement difficiles précisément parce qu'il n'y avait pas de relation trouble."
• L'argent a-t-il servi au PS ?
"Ce compte n'a jamais servi à financer de campagne du Parti socialiste", a simplement répondu Jérôme Cahuzac.
• Que savait François Hollande ?
"J'ignore quel était son degré de connaissance de cette affaire. Ce que je veux dire, c'est qu'à lui, comme au Premier ministre, comme à Pierre Moscovici, je n'ai pas dit la vérité", a reconnu l'ancien ministre.
• Quels sont ses liens avec le FN ?
Interrogé sur l'homme qu'il a chargé d'ouvrir son compte suisse, Philippe Péninque, un proche de Marine Le Pen et ancien dirigeant du syndicat d'extrême droite GUD, Jérôme Cahuzac a cherché à prendre ses distances avec le Front national. "Il y a vingt ans, je lui confie ça pas du tout parce qu'il est membre du FN mais parce que je l'ai rencontré à l'occasion d'activités sportives et que nous avons sympathisé car pour moi, (…) l'engagement politique ne résume pas un homme."
"Qu'il me soit permis de préciser que dans toute ma vie publique, personnelle, familiale, tout ce que j'ai pu dire et faire a toujours été en totale contradiction, opposition, avec ce que le Front national a pu, peut ou pourrait préconiser", a-t-il insisté.