Elle bout, mais se tait. Martine Aubry a, pour l'heure, gardé le silence - à l’exception d'un coup de gueule sur la réforme territoriale - alors que la majorité est plus tourmentée que jamais. Mais l'ancienne patronne du PS va s'exprimer "dans quelques semaines", confie à Europe 1 Gilles Pargneaux, patron de la puissante fédération PS du Nord et très proche de la maire de Lille. Cela prendra la forme d'une tribune écrite et d'une intervention à la télévision ou en radio. Pourquoi attendre autant ? Pourquoi ne pas avoir profité de la grogne ambiante pour se rappeler au bon souvenir des socialistes ?
Une femme "loyale" et "responsable"
"Elle aurait pu tout foutre en l'air mais elle a préféré ne pas casser sa famille politique." L'explication émane d'un des proches de l'ancienne patronne du PS. Que l'on ne se méprenne pas : Martine Aubry n'approuve pas la politique économique menée par l'exécutif. Et "elle le fait savoir en se répandant en off" dans la presse, relève Pierre Bréchon, politologue, joint par Europe 1. Si elle patiente encore avant d'exprimer ses critiques, c'est "par loyauté. C'est une femme d'Etat, sérieuse. Elle n'est pas là pour s'exprimer à l'emporte-pièce", décrypte Gilles Pargneaux, qui joue depuis quelques mois le rôle de porte-parole officieux. "Je ne pense pas que ce soit encore le moment de parler", a appuyé François Lamy, autre proche de Martine Aubry, sur RTL. Elle reste raisonnable et ne cherche pas à mettre de l'huile sur le feu. Elle n'a aucun intérêt à mettre la pagaille", confirme Pierre Bréchon.
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"Nicolas Bays, député du Pas-de-Calais qui la connait très bien, ne dit pas autre chose. Mais avance aussi une autre explication : "en France, les gens n'aiment pas que l'on tape sur sa famille. Après sa sortie sur la réforme territoriale (en juillet dernier, ndlr), elle a perdu 10 points de popularité et elle avait peur de revivre ça", estime-t-il pour Europe 1.
Une femme "légitime" et "différente"
Après avoir laissé retomber le soufflet du remaniement, la maire de Lille a donc l'intention prendre sa plus belle plume. "Elle va prendre des initiatives et donner sa vision de la politique qui devrait être menée pour sortir de l'ornière. Elle n'est pas là pour gêner le gouvernement, mais pour faire des propositions de fond, assure Gilles Pargneaux. Dit autrement : la politique de la petite phrase, très peu pour elle. Martine Aubry, pense-t-elle, est faite d'un autre bois qu'Arnaud Montebourg, et encore plus que la trentaine de députés frondeurs qui agitent la majorité. Sa stature, son CV et son aura à gauche légitiment une prise de distance et une attitude "différente".
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Si elle a attendu autant de temps pour s'exprimer, "c'était aussi pour laisser le gouvernement travailler. Là, elle estime que l'on est à mi-mandat et qu'elle est légitime pour dire ce qui devrait être fait pour assurer la réussite du quinquennat." On rappelle tout de même au fidèle Gilles Pargneaux les dernières déclarations publiques de Martine Aubry, en juillet dernier : "si depuis deux ans dans tous les domaines, on avait eu une grande vision et une méthode, on aurait eu un peu moins de problèmes".
2017 dans le viseur ?
La maire de Lille a de l'ambition. Et conscience de son poids à gauche. Le dernier sondage CSA pour Atlantico, paru vendredi, ne la contredira pas : 50% des sympathisants de gauche aimeraient qu'elle ait plus d'influence sur la vie politique française. Retirée dans son beffroi lillois depuis la victoire de François Hollande, la "dame des 35 heures" a refusé tous les maroquins qui lui ont été proposés. Un seul poste l'intéressait : Premier ministre. Et demain ?
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"Elle a tout intérêt à prendre de la hauteur. Si elle veut être un recours, elle ne peut s'afficher comme chef de clan", juge Nicolas Bays. Pierre Bréchon est plus explicite : "une dissolution n'est pas dans son intérêt. Elle souhaite certainement que le mandat se termine pour le mieux. Et peut-être qu'elle se dit également que François Hollande pourrait arriver lessivé en 2017 après 5 années d'exercice du pouvoir. Et sa voie serait alors toute tracée…" L'hypothèse fait sourire Gilles Pargneaux. "Elle n'est candidate à rien. Arrêtons de faire des plans sur la comète, 2017, c'est très loin. Martine Aubry n'a jamais eu de stratégie individuelle." A notre tour de sourire.