On ne compte plus le nombre de fois où Les Républicains ont semblé sur le point d'imploser. Il y a eu la présidentielle douloureuse d'abord, avec une fuite des élus aussi rythmée que les révélations dans le Canard Enchaîné. Les défections en faveur de la macronie triomphante ensuite, et le feuilleton des exclusions. Puis, l'élection de Laurent Wauquiez, pas apprécié de tous en interne, et qui a provoqué le départ de certains modérés, comme Xavier Bertrand.
L'éviction, dimanche, de Virginie Calmels, ex-juppéiste arrachée à ses anciennes amours comme une belle prise de guerre par le président LR à l'automne dernier, ne semble pas de nature à faire trembler le parti sur ses bases. L'adjointe à la mairie de Bordeaux à l'ascension fulgurante ne faisait pas l'unanimité non plus en interne. En revanche, un autre dossier pourrait se révéler bien plus problématique pour la droite : les européennes.
Pécresse propose... Lundi, Valérie Pécresse a en effet présenté des propositions sur le sujet, au nom de son mouvement Libres! (rattaché à LR). Un projet élaboré notamment avec Maël de Calan, juppéiste, et qui illustre la fracture au sein de la droite sur la question de l'Union européenne. Selon la présidente d'Île-de-France, qui s'est exprimée dans L'Opinion, il faut "une France forte dans une Europe puissante". Valérie Pécresse prône des initiatives communes d'ampleurs variables, d'une Europe de la défense à la gratuité des transports pour tous les jeunes Européens pendant un mois l'année de leurs 18 ans.
Surtout, l'ancienne ministre de l'Enseignement supérieur se fait l'avocate de l'Union européenne, trop souvent injustement critiquée selon elle. "Nous ne pouvons pas l'accuser de toutes nos lâchetés et de toutes nos erreurs", pointe-t-elle dans les colonnes de L'Opinion. "L'Europe apparaît tatillonne, bureaucratique, absurde avec ses normes et règles qui nous pourrissent la vie mais la bureaucratie est d'abord chez nous." Pour Valérie Pécresse, il est crucial de renforcer le rôle et l'influence de la France dans les processus décisionnaires européens.
" Je ne cautionnerai en aucune manière un discours anti-européen, quelle qu'en soit la virulence. "
…et s'oppose. Une position qui a peu en commun avec celle de Laurent Wauquiez, plus prédisposé depuis le début de l'année à tirer LR vers une ligne eurocritique, voire eurosceptique. Le président LR est favorable à une Union européenne des "cercles concentriques", avec une plus grande intégration de six à douze pays seulement, puis une zone euro plus étendue, et enfin une zone de libre-échange rassemblant tous les États membres, et même le Royaume-Uni. "Je suis totalement contre", répond Valérie Pécresse dans L'Opinion. Laurent Wauquiez appelle de ses vœux un traité de refondation de l'Union européenne. "L'Europe n'est pas en état aujourd'hui d'adopter un nouveau traité", rétorque la présidente d'Île-de-France. "C'est mettre le doigt dans une mécanique incontrôlable qui mobiliserait tous les anti-européens."
Sujet éruptif. À droite, la sensibilité du sujet n'est un mystère pour personne. C'est même sur lui qu'Alain Juppé a fait reposer, à plusieurs reprises, son avenir à LR. "Je ne cautionnerai en aucune manière un discours anti-européen, quelle qu'en soit la virulence", avait averti le maire de Bordeaux en mars dernier. "Je regarderai de façon très attentive, et à ce moment-là je me prononcerai [sur mon avenir au sein du parti]."
Virginie Calmels, elle aussi, avait commencé à appeler une "clarification" de la ligne LR dans l'optique où elle aurait été candidate tête de liste aux européennes. "Il faudrait que ce soit fait assez vite parce que je pense que les ambigüités ne servent pas notre mouvement politique", avait-elle déclaré sur Public Sénat il y a une semaine.
Eviter la déchirure. La direction des Républicains ne s'y est pas trompée : il va falloir faire des pieds et des mains pour trouver une ligne commune et éviter la déchirure. Début avril, le secrétaire général délégué du parti, Geoffroy Didier, avait invité Alain Juppé à "participer au débat sur le projet que la droite européenne incarnera lors des prochaines élections de mai 2019". Et certains espèrent encore qu'une synthèse sera possible, à l'instar de Bruno Retailleau. Le président du Sénat estimait dans Le Monde il y a quelques mois qu'il était possible d'"accorder la France du oui et celle du non, mais pas en suivant monsieur Macron".