C'était un pari risqué pour François Fillon. Réunir des dizaines de milliers de militants sur la place parisienne du Trocadéro, en l'espace de quatre jours, pour montrer qu'il n'est pas seul et peut encore compter sur le soutien populaire, n'était pas une mince affaire. Entre le temps restreint dévolu à l'organisation, le nombre croissant de cadres Les Républicains qui ne le soutiennent plus, et les prévisions apocalyptiques de Météo France, l'opération pouvait rapidement virer au fiasco. Et pourtant.
"Fillon on l'aime, tout simplement". Dimanche, lorsqu'il a pris la parole peu après 15h30, François Fillon avait face à lui une marée de supporters agitant des drapeaux. Certainement pas "entre 250.000 et 300.000", comme l'a prétendu son fidèle bras droit Bruno Retailleau, puisque la place du Trocadéro ne peut en contenir plus de 50.000, mais un nombre suffisant pour estimer le pari remporté. "Nous avons nos parapluies, notre énergie, notre sourire, notre conviction. Fillon est notre candidat. On l'aime, tout simplement", résumait une militante venue de Mayenne juste avant l'allocution de son champion.
Posture gaullienne. Dans un discours d'une trentaine de minutes, marqué par un ton offensif et déterminé, François Fillon s'est attaché à adopter une posture gaullienne, citant le Général à de nombreuses reprises. "Vous êtes une certaine idée de la France, cette idée éternelle et plus grande que moi", a-t-il lancé à des partisans survoltés.
Sans cesse, il a opposé ce soutien populaire aux responsables du parti qui, eux, se tiennent en rang nettement moins serré derrière lui. Fustigeant "la fuite en canard d'un camp vers un autre", les défections "sans honte et sans orgueil", le candidat lâché par plus de 200 personnes, caciques de la droite et du centre comme petites mains de la campagne, a tenu à adresser un message à sa famille politique. "Laisserez-vous les passions du moment l'emporter sur les nécessités nationales ? Laisserez-vous les intérêts de faction et de carrière l'emporter sur la grandeur et la cohérence d'un projet adopté par plusieurs millions d'électeurs ? Vous laisserez-vous dicter par l'écume des choses ce choix décisif ?"
Un discours adouci. Jamais François Fillon n'a répété qu'il serait candidat à n'importe quel prix, ni même qu'il irait "jusqu'au bout". Le candidat de la droite et du centre, bien que pugnace, a en effet adouci quelque peu son discours, reconnaissant des "erreurs" de sa part. "Je dois m'interroger sur ceux qui doutent et qui fuient le navire", a-t-il expliqué. "Leur responsabilité est immense et la mienne aussi. Je sais bien quelle est ma part de responsabilité dans cette épreuve. Je vous dois des excuses."
" Je sais bien quelle est ma part de responsabilité dans cette épreuve. Je vous dois des excuses. "
Il s'est également bien gardé d'attaquer la justice, "dont [il] ne désespère pas", ou la presse, comme lui ou ses soutiens avaient pu le faire ces dernières semaines. La manifestation, un temps présentée comme un rassemblement contre les juges et la presse, fustigée pour cela par de nombreux responsables politiques de tous bords, s'est finalement déroulée sans accroc.
Opération de la dernière chance. Ce rassemblement était l'une des dernières cartes à jouer pour François Fillon. Dimanche matin déjà, l'interview donnée par son épouse Penelope au JDD, dans laquelle celle-ci brise un mois de silence, s'apparentait à une opération de communication de la dernière chance. Il reste encore au candidat une apparition au JT de France 2 dimanche soir pour tenter d'inverser la vapeur.
Mais la partie est loin d'être sauvée pour François Fillon. Avant qu'il ne prenne la parole, son camp a pour le moins manqué de solidarité. Selon Christian Estrosi, proche de Nicolas Sarkozy, ce-dernier "a dit lui-même [samedi] que ça ne peut plus durer comme ça". Avec Valérie Pécresse et Xavier Bertrand, le président de la région Paca a annoncé qu'il prendrait une "initiative" pour organiser une sortie "respectueuse" de François Fillon. Il n'est pas certain que la bonne séquence de dimanche les fasse changer d'avis. L'entourage d'Alain Juppé a enfoncé le clou en faisant savoir que le maire de Bordeaux et Nicolas Sarkozy s'étaient parlés samedi soir afin d'étudier "les sorties de crise" possibles.
Dans ce contexte, la réunion du comité politique des Républicains, lundi soir, sera décisive.