C'est un énième épisode de ce qui est devenu "l'affaire Bygmalion". Le parquet financier de Paris a requis le renvoi en correctionnelle de Nicolas Sarkozy et des treize autres mis en examen pour "financement illégal de campagne électoral", a-t-on appris lundi. Il est notamment suspecté "d'avoir dépassé le plafond des dépenses électorales" durant la présidentielle de 2012 et "fait état" dans son compte de campagne d'"éléments comptables sciemment minorés". L'ancien président de l'UMP, Jean-François Copé, originellement visé dans cette enquête, a, lui, finalement été blanchi en février 2016. Retour sur les multiples rebondissements d'une affaire qui s'est progressivement resserrée autour de Nicolas Sarkozy.
ACTE 1 : 27 février 2014, l'affaire Copé
Dans une enquête, Le Point accuse le président de l'UMP Jean-François Copé d'avoir favorisé la société Bygmalion, fondée par ses proches Guy Alvès et Bastien Millot. "Puissante machine de guerre au service de Copé", l'agence de communication aurait empoché au moins huit millions d'euros durant la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012, via sa filiale événementielle Event and Cie. "A qui ont profité les millions de Bygmalion?", demande l'hebdomadaire, alors que l'UMP est exsangue financièrement. Jean-François Copé finira par démissionner. Le parquet de Paris ouvre une enquête.
ACTE 2 : 26 mai 2014, la campagne Sarkozy mise en cause
L'avocat de Bygmalion, Patrick Maisonneuve, lâche une bombe pour balayer les accusations de surfacturation. Il affirme que l'UMP a réglé des millions d'euros de fausses factures à Event and Cie pour cacher des dépenses de meetings qui auraient dû rentrer dans le compte de campagne et auraient fait exploser le plafond autorisé de 22,5 millions d'euros. Dans la foulée, sur BFMTV, le bras droit de Jean-François Copé, Jérôme Lavrilleux, évoque une campagne qui a dérapé, "un train qui filait à toute vitesse". En parallèle, des dirigeants de Bygmalion remettent une clé USB aux enquêteurs, révélant une double comptabilité. D'après les calculs des policiers, l'UMP a réglé 18,5 millions d'euros de fausses factures pour des événements fantômes.
ACTE 3 : 1er avril 2015, Sarkozy impliqué
En garde à vue, Guillaume Lambert, son ex-directeur de campagne, prête à Nicolas Sarkozy un rôle de décideur pour ses meetings. Il raconte avoir informé le candidat des "contraintes budgétaires" posées par une note de l'expert-comptable alertant sur un risque de franchissement du plafond des dépenses. "Nicolas Sarkozy m'a demandé d'ajouter (...) de petites réunions publiques (...) à coûts bas et maîtrisés", confie-t-il, réfutant toute fraude. De 15 à 20 meetings, la campagne est passée à 44.
Les protagonistes sont confrontés à des documents embarrassants, comme ces tableaux de suivi du budget des meetings retrouvés chez un avocat de l'UMP, Philippe Blanchetier, tendant à montrer que les factures ont été artificiellement minorées. Ainsi, le meeting de Marseille du 19 février 2012 coûte plus de 800.000 euros dans un document du 6 mars, mais 300.000 euros dans le compte de campagne.
ACTE 4 : 4 septembre 2015, Sarkozy se défend et charge Copé
"Je n'ai ordonné aucune dépense de ma campagne. Je n'ai vu aucun devis" et "n'ai choisi aucun prestataire". Devant les policiers, l'ex-candidat est clair, il ne gérait pas l'intendance et n'a "découvert le nom de Bygmalion" qu'une fois l'affaire révélée. Il réfute tout emballement des coûts, comparant ses deux campagnes: 48 meetings et déplacements en 2007, 67 en 2012. Puis il pointe Jean-François Copé: "partout où (il) est passé, il a pris Bygmalion". Et si un système de fausses factures a existé, "je comprends qu'il a existé entre les sociétés Bygmalion et l'UMP".
ACTE 5 : 9 octobre 2015, Lavrilleux contre-attaque
Lors d'une confrontation, de nouvelles dépenses liées à la campagne et sans rapport avec Bygmalion sont évoquées. Soit une dizaine de millions d'euros qui figurent au budget de l'UMP en 2012 mais pas dans le compte de campagne. Jérôme Lavrilleux lâche les coups: "il y a de très nombreuses zones d'ombre sur ces comptes de campagne". Il pointe les dépenses de transport des militants. Puis dans L'Obs: "les comptes ont débordé de tous les côtés. Il n'y a que Nicolas Sarkozy pour dire (...) que cette affaire ne concerne pas sa campagne".
ACTE 6 : 16 février 2016, Sarkozy mis en examen
Entendu par un juge d'instruction, Nicolas Sarkozy est mis en examen pour financement illégal de sa campagne présidentielle 2012. Une décision liée à une "infraction formelle" de dépassement des comptes de campagne et non liée la connaissance que l'ancien chef de l'Etat pouvait avoir "d'un système de fausses factures dans le cadre du dossier Bygmalion", selon son avocat. Entendu sous le statut de témoin assisté, Jean-François Copé, n'est, lui, pas mis en examen.
En septembre, la section financière du parquet de Paris a donc requis le renvoi de Nicolas Sarkozy et des treize autres mis en examen dans le cadre de l'affaire Bygmalion. Les juges d'instruction doivent à présent se prononcer dans les prochains mois, pour savoir si l'ancien chef de l'Etat doit être renvoyé avec les autres protagonistes.