Face à la crise des "gilets jaunes", ils devaient permettre aux administrés d'exprimer leurs revendications et préparer le futur "grand débat national". Des "cahiers de doléances" ont été mis en place ces dernières semaines dans 3.000 à 5.000 communes, selon l'Association des maires ruraux de France. Europe 1 a eu accès à une première synthèse de ces remontées de terrain, réalisée à la demande d'un ministre. Elle témoigne d'un besoin de justice fiscale et sociale, ainsi que d'un sentiment de déclassement prégnant.
Retour de l'ISF et suppression de la taxe carbone. "Le contenu global des doléances n'est guère surprenant", est-il écrit dans ce document. "Il traduit l'attachement d'une partie du peuple français au principe d'égalité." Les revendications les plus souvent exprimées concernent la justice fiscale et sociale. La rémunération des élus et des hauts-fonctionnaires, ainsi que leurs privilèges, sont pointés du doigt. Les contributeurs mentionnent les différences de pression fiscale entre particuliers et entreprises ou entre personnes modestes et aisées, réclamant le retour de l'ISF, la renationalisation des autoroutes ou encore la taxation des transactions financières. Un "ras-le-bol fiscal" apparaît clairement : la taxe carbone, la TVA sur les produits de première nécessité, les niveaux du Smic comme des pensions de retraite sont très critiqués.
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Plus de démocratie participative. Ces "cahiers de doléances" font également remonter un besoin de davantage de démocratie participative et de transparence, alors que le système actuel est jugé injuste et incompréhensible. Des contributeurs pointent le manque de lisibilité de l'organisation territoriale et de représentativité des élus. Ils réclament la mise en place de scrutin à la proportionnelle, la suppression du Sénat et l'instauration du vote blanc. Revient aussi l'une des revendications phares des "gilets jaunes" : la mise en place d'un référendum d'initiative citoyenne.
Déclassement et immigration. Transparaît enfin, au fil des contributions sur ces "cahiers de doléances", un sentiment profond de déclassement. Les participants regrettent que la France rurale soit "sacrifiée", pointant la disparition progressive de certains services publics, la désertification médicale et la réduction de la vitesse sur les routes secondaires à 80km/h. La baisse du pouvoir d'achat, l'absence d'ascenseur social sont également mentionnés. Certains dénoncent aussi l'immigration incontrôlée qui, selon eux, engendrerait une "perte d'identité" et des "dépenses sociales supplémentaires".
Pas d'abrogation du mariage pour tous. La récurrence de certains thèmes, notamment celui de l'usage de la voiture, est intrinsèquement lié aux profils des contributeurs, pour la plupart issus de zones rurales et des classes populaires. En revanche, une différence notable apparaît avec la consultation sur Internet mise en place mi-décembre par le Conseil économique, social et environnemental (Cese) : "l'abrogation de la loi Taubira [sur le mariage pour les couples homosexuels] n'est présente dans aucun 'cahier de doléances'", explique la synthèse. La plateforme du Cese avait en effet été prise d'assaut par des opposants au mariage pour tous, qui s'étaient organisés pour faire monter leurs revendications.