Les tractations s'accélèrent pour la stratégique présidence de la commission des Finances à l'Assemblée nationale : la coalition de gauche a choisi un candidat commun mardi, l'Insoumis Éric Coquerel, mettant en difficulté le candidat RN Jean-Philippe Tanguy, en quête d'alliés à droite. Jeudi matin, à huis clos et à bulletins secrets, les membres de la commission voteront pour l'attribution de cette fonction clé, dévolue à un député d'un groupe d'opposition.
La majorité va "respecter les traditions", promet Borne
La bataille est aussi âpre que le poste convoité. La commission des Finances, qui examine tous les projets de budget avant leur examen dans l'hémicycle, est l'une des plus puissantes et prestigieuses de l'Assemblée. La Première ministre, Elisabeth Borne, a promis la semaine dernière que la majorité "respecterait les traditions" et ne prendrait pas part au scrutin, laissant les oppositions s'organiser. "On s'en lave les mains, on n'a pas à s'en mêler" et "pas sûr qu'il y ait de bonne solution", commente un député LREM.
Numériquement, l'alliance de gauche Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) paraît favorite avec son candidat commun. Le choix d'Éric Coquerel a été officialisé en début d'après-midi mardi, juste avant la première séance de la législature, alors que la socialiste Valérie Rabault était intéressée par le poste. Celle-ci a eu droit à un lot de consolation avec une candidature à la vice-présidence de l'Assemblée, aux côtés de Caroline Fiat (LFI).
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La présidence tournante de la commission des Finances "évoquée"
L'hypothèse d'une présidence de la commission des Finances tournante avec Valérie Rabault "a été évoquée" mais écartée parce qu'elle "renforcerait le mauvais procès sur le manque de sérieux de notre candidat", a expliqué le député LFI Manuel Bompard, proche de Jean-Luc Mélenchon. Lors de la précédente législature, Éric Coquerel était déjà membre de la commission des Finances, qui compte quelque 70 députés.
Au RN, on crie à "la piraterie de la Nupes sur tous les postes de l'Assemblée nationale". Le groupe d'extrême droite estime que le poste doit lui revenir grâce à ses 89 députés, contre quelque 75 Insoumis, une trentaine de socialistes, 23 écologistes et une vingtaine de communistes. Aux yeux du candidat RN, Jean-Philippe Tanguy, la Nupes est "en rupture avec la pratique républicaine", en ne laissant pas la présidence de la commission au plus gros groupe d'opposition.
Le poste va-t-il revenir à l'opposition ?
L'usage prévalait jusqu'ici sans figurer dans le règlement qui stipule simplement que le poste doit revenir à un élu d'un groupe d'opposition. Ultime espoir pour le RN, tenter de rallier des suffrages chez LR, qui présente aussi une candidate Véronique Louwagie dans l'Orne. Le président du groupe LR Olivier Marleix a évoqué sur LCP "un choix un peu cornélien" entre Tanguy et Coquerel. "La Nupes aurait pu faire un choix sans doute un peu plus consensuel" avec Valérie Rabault, a-t-il estimé.
Diplômé de l'Essec et de Sciences Po, Jean-Philippe Tanguy tente de jouer la carte du sérieux afin de se distinguer des insoumis. Et certains Républicains n'y sont pas insensibles, même si le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a déclaré mardi sur LCI ne pas souhaiter que des députés de son camp soutiennent le RN. "Je ne vois pas trop l'intérêt pour Les Républicains de faire la courte échelle à un président qui serait issu du RN", considère Éric Coquerel.
LR et LREM estiment que LFI peut se s'en servir à des fins politiques
"Ce qui est important, c'est la bonne tenue de la commission des Finances", estime un député de droite auprès de l'AFP. Son collègue Philippe Gosselin demande à la majorité de prendre part au vote pour soutenir... Véronique Louwagie (LR). Car des élus LR et LREM accusent déjà LFI de vouloir se servir de certaines prérogatives de la présidence de la commission, comme l'accès à des documents couverts par le secret fiscal, à des fins politiques.
"C'est du même acabit que toutes les 'fake news' qu'ils font circuler", rétorque Éric Coquerel. "On ne va pas se servir de ça comme d'une arme politique contre des personnalités. Par contre, oui, on veut mener une action forte sur les questions d'évasion fiscale". Rallié à Emmanuel Macron, l'ex-LR et président sortant de la commission des Finances, Éric Woerth, ne jette pas l'anathème sur Éric Coquerel, qui "a été un commissaire tout à fait sérieux". Mais avec LFI à la présidence, "on change de nature d'opposition", estime-t-il.