Cumul, revenus annexes : ce que les parlementaires déclarent

© KENZO TRIBOUILLARD / AFP
  • Copié
L’association Transparency France met en ligne mercredi un outil sur la transparence de la vie politique.

Votre député cumule-t-il sa fonction avec d’autres mandats ? A-t-il d’autres sources de revenus que ceux issus de la politique ? Combien de collaborateurs emploie-t-il ? Pendant longtemps, répondre à ces questions était mission impossible, les élus étant peu enclins à communiquer ces informations. Sauf que l’affaire Cahuzac est passée par là et a obligé les parlementaires à fournir un minimum d’informations. Ces informations éparpillées sur une multitude de pages interne, l’association Transparency France a décidé de les rassembler sur un seul site, baptisé Integrity Watch et que chacun peut consulter. Europe 1 a pu l’explorer en avant-première et ainsi dresser le portrait type du parlementaire, mais aussi relativiser certaines idées reçues.

Toutes les déclarations d’intérêts réunies sur un seul site. Mis à mal par le scandale Cahuzac, le gouvernement décidait en 2013 de frapper un grand coup en élaborant une série de lois sur la transparence de la vie publique. Depuis, députés et sénateurs sont tenus de publier au début de leur mandat une déclaration d’intérêts, consignée par la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Y figurent les autres mandats politiques exercés par ailleurs, les sources de revenus externes, etc. Sauf que ces documents ne sont accessibles qu’un par un, empêchant tout travail d’agrégation et de comparaison.

Association de lutte contre la corruption, Transparency France a donc décidé de collecter toutes ces données pour les réunir sur un seul site et permettre ainsi d’établir des moyennes, des comparaisons, etc. Ce travail, qui vient d’être achevé, est disponible sur le site Integritywatch.fr. En voici les principaux enseignements.

Le profil-type, un homme de 68 ans. Députés et sénateurs réunis, le parlementaire type est un homme de 68 ans : à peine un peu plus de 25% des parlementaires sont des femmes. En moyenne, cet élu revendique un peu plus de deux activités annexes, qu’il s’agisse d’un mandat local ou d’une activité professionnelle. Ces activités lui rapportent en moyenne 21.000 euros par an. Il est assisté par 3 collaborateurs en moyenne. Mais ces moyennes cachent des profils très contrastés.

Pas tant de cumulards. Maire, député, président d’agglomération, président de syndicat mixte, administrateur de l’office de tourisme, d’un parc régional, etc. : les parlementaires ont la réputation de n’être jamais rassasiés. L’analyse de leurs déclarations montre qu’ils sont bien moins gourmands qu’attendu : les parlementaires n’ont en moyenne qu’une activité supplémentaire et un tiers d’entre eux n’en ont aucune en plus de leur mandat. Ces élus dédiés à ce seul mandat sont plus fréquents à l’Assemblée nationale (39% des députés) qu’au Sénat, où moins de 24% des élus n’ont aucune autre activité.

"On a souvent tendance à entendre que nos parlementaires sont de gros cumulards. Cet outil permet de mettre fin à certaines idées reçues", résume Myriam Savy, qui a dirigé le projet Integrity Watch. En général, un parlementaire ne cumule son activité qu’avec une seule autre activité, une fonction de maire le plus souvent (70% d’entre eux). Une minorité en revanche fait monter la moyenne : seuls 3% des parlementaires cumulent plus de dix activités annexes. Et seuls sept élus arrivent à empiler plus de 20 fonctions. Autre enseignement de cette étude : les sénateurs ont plus tendance à cumuler les fonctions que leurs collègues de l’Assemblée nationale. Ainsi, alors que seuls 4% des députés cumulent plus de six activités annexes, cette proportion grimpe à presque 14% chez les sénateurs. 

15.12.Capture Infographie Integrity watch.1280.850

Des revenus annexes très variables. Tout comme les fonctions, les parlementaires peuvent cumuler les revenus, notamment ceux issus de leur ancienne activité. Mais ce n’est pas la règle : 36% des élus n’ont aucune autre source de revenu que leurs indemnités parlementaires (voir ci-dessus). Là encore, les députés sont plus sobres que les sénateurs : presque 42% des députés ne déclarent aucun revenu annexe, contre 27% des sénateurs. Une proportion qui grimpe à 72% chez les femmes, sénatrices et députées confondues.

Et quand ils en ont, ces revenus ne sont pas forcément stratosphériques : 57% des députés et 45% des sénateurs gagnent ainsi moins de 1.000 euros par an en plus de leur mandat. Les cumulards financiers sont en fait une minorité : moins d’un quart des députés déclarent plus de 25.000 euros de revenus annexes, une proportion qui passe à 36,5% parmi les sénateurs. Et ceux qui déclarent plus de 100.000 euros par an ne sont que 18.

Une transparence encore imparfaite. En acceptant de rendre publiques ces informations, les parlementaires permettent donc de remettre en question certains stéréotypes. Pourtant, cet exercice de transparence est encore très limité. D’abord parce que les déclarations des parlementaires sont pas ou peu contrôlés : la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ne dispose que d’une vingtaine collaborateurs pour effectuer ce travail. Ce manque de moyen, le projet Integrity Watch peut les corriger : les internautes décelant une erreur ou un oubli peuvent ainsi le signaler. Ensuite, parce que les parlementaires ont tendance à mener cet exercice de transparence a minima : les oublis sont fréquents et les mises à jour plus que rares. Ainsi, seuls 12% d’entre eux ont mis à jour leur déclaration depuis janvier 2014 alors qu’il y a eu entre-temps des élections municipales, européennes, départementales et régionales. Sans parler de ceux qui s'opposent à cet exercice par principe : Jacques Myard a ainsi conclu sa déclaration d’intérêts d’un "A bas l’Inquisition !" pour le moins rageur.

"On se doute que certains parlementaires ne vont pas être très contents et que d’autres vont nous signaler des erreurs à corriger, ce qui est tout à fait normal. Mais on espère aussi qu’ils prendront conscience qu’ils ne doivent pas prendre l’exercice à la légère. S’ils ne mettent pas à jour leurs déclarations, comme le prévoit la loi qu’ils ont eux-mêmes votée, on peut mal interpréter les données et cela peut alimenter certains fantasmes. On espère vraiment une prise de conscience", résume Myriam Savy.

Pour se rassurer, les parlementaires pourront consulter la partie du site Integrity Watch consacré aux lobbies. Sur les 4.600 organisations en contact avec l’Assemblée nationale ou le Sénat, seules 244 se sont inscrites sur le registre officiel...

>> Retrouvez plus de détails sur le site Integrity Watch