Les députés ont donné un premier feu vert mercredi à l'inscription du droit à l'avortement dans la Constitution, pour se prémunir contre d'éventuelles remises en causes comme aux Etats-Unis, mais l'initiative ne pourra pas aboutir si le Sénat y reste opposé. "Nulle femme ne peut être privée du droit à l'interruption volontaire de grossesse": le court texte adopté mercredi en commission des lois, porté par la cheffe de file des députés Renaissance, Aurore Bergé, doit désormais être examiné dans l'hémicycle de l'Assemblée la semaine du 28 novembre.
Une autre texte proposant de graver ce droit dans le marbre de la loi fondamentale, proposé par son homologue de LFI Mathilde Panot, doit arriver en séance avant cela, le 24 novembre, après un passage en commission prévu la semaine prochaine. "Quel que soit le groupe qui aura proposé cette initiative", Mme Bergé s'est réjouie qu'une majorité "semble se dégager à l'Assemblée" sur le sujet.
"Ce n'est ni pour le symbole, ni par opportunisme politique, c'est parce qu'il nous revient aujourd'hui de faire ensemble ce pas décisif", a plaidé la députée, spécialement revenue à l'Assemblée pour défendre son texte, après avoir accouché fin octobre. "Je retrouverai ma fille juste après", a-t-elle lancé à l'adresse de ceux "qui s'interrogeraient sur sa présence".
"Ne plus attendre"
Son initiative, comme celle de LFI, avait été annoncée au mois de juin dans la foulée d'une décision retentissante de la Cour suprême des Etats-Unis qui a signé la fin de l'avortement comme droit constitutionnel. Les défenseurs de l'inscription du droit à l'IVG dans la Constitution, dans la majorité présidentielle comme à gauche, soulignent que cet acquis est aussi fragilisé dans des pays européens. Ils citent les restrictions récemment apportées en Pologne et leurs inquiétudes concernant des pays comme la Hongrie ou même l'Italie.
En France, "les associations témoignent de la présence de mouvements puissants, souvent coordonnées au niveau européen, qui promeuvent la suppression ou la restriction du droit à l'avortement", a relevé Mme Bergé, jugeant qu'il "ne fallait pas attendre de ne plus pouvoir agir pour se désoler".
"Enfin, la majorité présidentielle s'est réveillée", a ironisé la députée LFI Pascale Martin, rappelant que la constitutionnalisation du droit à l'IVG figurait "depuis des années au programme" des Insoumis. En plus du droit à l'avortement, les députés des différentes composantes de la gauche ont plaidé sans succès pour qu'un droit à la contraception puisse également être inscrit dans la Constitution, comme dans la proposition de loi déposée par LFI.
"Guéguerres politiques"
Des élus LR et RN ont en revanche affiché de véritables réticences face au texte. "Le droit à l'IVG n'est absolument pas menacé en France", a ainsi fait valoir la députée RN Pascale Bordes, critiquant une formulation qui "laisse à penser que l'accès serait inconditionnel et absolu".
La députée LR Virginie Duby-Muller a pour sa part déploré que le sujet soit "instrumentalisé au nom de guéguerres politiques" entre la majorité et la gauche, avec le dépôt de textes concurrents. Elle a surtout demandé que la constitutionnalisation du droit à l'IVG soit accompagnée de celle "du respect de tout être humain dès le commencement de la vie, par souci d'équilibre", un amendement rejeté.
Pour LR, quoi qu'il en soit, le texte des députés "ne peut aboutir" même s'il est adopté par l'Assemblée, étant donné que le Sénat, à majorité de droite, a rejeté le 19 octobre en première lecture une proposition de loi similaire, soutenue par le gouvernement. Or, toute proposition de loi constitutionnelle doit être votée dans les mêmes termes par les deux assemblées, avant d'être soumise à un référendum.
Le seul moyen d'éviter cette étape finale d'un référendum serait que l'initiative de révision de la Constitution vienne de l'exécutif, le Président de la République pouvant alors choisir de soumettre le projet de loi à l'approbation des deux assemblées réunies en Congrès pour l'adoption finale. Les députés doivent poser "un préalable fondateur", a insisté Mme Bergé, estimant que rien n'empêcherait, après une adoption par l'Assemblée, que s'ouvre "un autre chemin législatif de reprise" par le gouvernement.