C'est une journée spéciale Macron que le groupe TF1 organise jeudi. À 13 heures, dans son journal télévisé, Jean-Pierre Pernaut interviewe le président de la République. Puis, à 22h30, rendez-vous est donné sur LCI pour un documentaire inédit, en partenariat avec Europe 1, intitulé "Emmanuel Macron, le dynamiteur". Réalisé par David Doukhan, journaliste politique à Europe 1, et produit par David Pujadas, ce 52 minutes n'innove pas sur la forme. Il y aura toujours ces images d'archives entrecoupées d'entretiens avec des personnalités politiques dans de grands fauteuils tout droit sortis du Parrain, la moitié du visage mangée par la pénombre. Mais il vaut pour ses témoignages sans langue de bois et ses partis pris de narration.
Car le sujet peut sembler éculé à première vue. La question qui traverse le documentaire (comment un homme sans mandat et sans parti a-t-il pu s'emparer de l'Élysée en moins d'un an ?) a déjà été posée. Et de nombreuses réponses y ont été apportées. De cette campagne présidentielle de 2017, tout a déjà été montré. Pourtant, "Emmanuel Macron, le dynamiteur" joue habilement des ellipses pour mieux se concentrer sur quelques anecdotes inédites qui viennent donner une nouvelle épaisseur à une histoire bien connue.
Macron aurait pu être Premier ministre. On apprend ainsi que, dès le début 2016, la garde rapprochée de François Hollande, très inquiète des velléités d'Emmanuel Macron, a suggéré au président socialiste une stratégie radicale pour le mettre hors-jeu en 2017 : le nommer Premier ministre à la place de Manuel Valls. "C'était une bonne manière de le contenir", explique face caméra Gaspard Gantzer, ancien conseiller de François Hollande. "À Matignon, il fera son job et en plus il aura à cœur de très bien le faire." À l'époque, l'entourage du chef de l'État socialiste évoque même la constitution d'un gouvernement composé à moitié de personnalités issues de la société civile. "On cite [Agnès] Buzyn, on cite [Muriel] Pénicaud…", se souvient Gaspard Gantzer. Deux femmes qui sont aujourd'hui ministres de la Santé et du Travail. Finalement, François Hollande rejettera l'idée. Et préfèrera (re)faire une synthèse dont il est friand, en faisant entrer des écologistes et des radicaux de gauche au gouvernement.
De longues tractations avec Bayrou. Autre exemple d'information encore inédite qui apparaît dans le documentaire : les dessous des échanges avec François Bayrou afin que celui-ci rejoigne Emmanuel Macron et renonce à se présenter lui-même. Officiellement, tout s'était décidé en quelques semaines. En réalité, les marcheurs ont travaillé au corps le président du MoDem pendant de très longs mois. À partir d'août 2016, Gérard Collomb va rencontrer le maire de Pau une fois par semaine dans le bureau de Jacqueline Gourault, au Sénat. Et finit par le convaincre de se mettre en marche. Sans aucune contrepartie, assure l'actuel ministre de l'Intérieur face caméra. "On est en politique, faut pas se raconter la vie non plus", tacle immédiatement Jean-François Copé. "On a tous dû supporter 'l'impôt Bayrou', quelques circonscriptions par-ci par-là." Pas très nouveau monde ? "Ah, c'est même ringard monde", assène le maire de Meaux, jamais avare de pique acerbe.
L'entretien d'embauche d'Edouard Philippe. Enfin, le documentaire s'intéresse au recrutement d'Edouard Philippe pour Matignon, en tous points semblables à un entretien d'embauche. D'abord convié, deux jours seulement après le premier tour de la présidentielle, à un rendez-vous avec Emmanuel Macron, le maire du Havre a ensuite été invité à dîner. Autour de la table, en plus du futur président de la République et de son futur Premier ministre, la fine fleur de la macronie, dont Gérard Collomb, Alexis Kohler (aujourd'hui secrétaire général de l'Élysée), Stéphane Séjourné (conseiller), Richard Ferrand et Jacques Mézard. "Chacun a fait un peu connaissance", raconte l'actuel locataire de Matignon, qui a bien conscience de passer un entretien d'embauche. "Le repas se termine, Emmanuel fait un tour de table et tout le monde a dit : 'oui, finalement Edouard Philippe peut être le Premier ministre'", confirme Gérard Collomb. Précision importante : tout cela s'est fait avec l'aval d'Alain Juppé.