On n’attendait pas de suspense dimanche soir, et de suspense il n’y a point eu. François Fillon a remporté une victoire éclatante, avec plus de 66% des voix face à Alain Juppé lors du second tour de la primaire de la droite, dans la foulée d’un premier tour dominé de la tête et des épaules.
Voilà l’ancien Premier ministre lancée vers la présidentielle. Logiquement, il s’est posé en rassembleur, remerciant notamment son adversaire du soir, qui voit se fracasser là ses ultimes ambitions présidentielles. Et comme 2017 n’est pas très loin, le désormais candidat a déjà commencé a essuyé un feu nourri de ses futurs adversaires.
- La deuxième vague
Le soufflé n’est pas retombé entre les deux tours. Au contraire même. Malgré un entre-deux-tours difficiles, marqué par des attaques parfois virulentes de son adversaire, la vague Fillon n’a pas faibli. Elle a même pris de l’ampleur, puisqu’Alain Juppé ne gagne que 5 points en une semaine, là où le vainqueur en prend 22 ! Une énorme victoire, qui confère à son heureux titulaire une assise populaire et une dynamique très positive en vue de 2017, avec, au premier comme au deuxième tour, près de 4,3 millions de votants.
Une sacrée revanche, aussi, pour celui qui fut pendant de longs mois, voire des années, et jusqu’au bout, cantonné à la troisième place dans les sondages. "C'est une victoire de fond, bâtie sur des convictions", une "vague qui a brisé tous les scénarios écrits d'avance", a d’ailleurs lancé François Fillon à son QG de campagne, devant des partisans survoltés. Puis il s’est dit conscient du "devoir de vaincre l'immobilisme et la démagogie" et fait part de sa volonté de "redonner confiance aux Françaises et aux Français".
- La main tendue
Car François Fillon pense déjà à 2017. Et pour l’emporter dans cinq mois, l’ancien Premier ministre a une nécessité impérieuse : rassembler toute la droite, même celle des déçus, derrière lui. Il s’y est employé dès dimanche soir. "J’aurai besoin de tout le monde", a-t-il affirmé devant ses soutiens. "J’ai une pensée particulière pour Nicolas Sarkozy. Et j’adresse à Alain Juppé un message d’amitié, d’estime et de respect. Alain est un homme d’Etat, et il le reste. Aucun candidat n’a démérité", a poursuivi le candidat à la présidentielle, histoire de n’oublier personne. "Je tends la main à tous ceux qui veulent servir notre pays", a-t-il insisté, pour bien faire passer le message.
Un message entendu par Nicolas Sarkozy. Pas d’effusion particulière toutefois de la part de l’ancien président de la République, qui s’est contenté d’un communiqué. "Je tiens adresser à François Fillon mes sincères félicitations pour sa victoire ce soir et lui souhaite bonne chance pour le combat politique qui l'attend", écrit le grand perdant du premier tour, poussé vers la retraite politique. Il ne faudra sans doute pas attendre beaucoup plus de la part de l’ex-chef de l’Etat pendant la campagne. Les autres anciens candidats, Jean-Frédéric Poisson, Jean-François Copé, Bruno Le Maire, et Nathalie Kosciusko-Morizet ont également adressé leurs "sincères félicitations" au vainqueur du jour.
- Juppé, une poignée de mains...
Et Alain Juppé ? Il n’a pas eu d’autres choix que de reconnaître, rapidement vu l’ampleur de la déroute, sa défaite. Un revers concrétisé peu avant 22 heures par une poignée de mains au siège de la Haute autorité de la primaire, mais concédée plus tôt via un discours devant ses soutiens. "Je termine cette campagne comme je l'ai commencée, en homme libre qui n'aura transigé ni avec ce qu'il est, ni avec ce qu'il pense", a lancé le perdant de la soirée.
- ...Et la retraite bordelaise.
Et pour la suite ? "Je me consacrerai pleinement à ma tâche de maire de Bordeaux", a-t-il assuré. Mais pour ses ambitions présidentielles, c’en est fini, définitivement. Cette primaire aura finalement poussé à la retraite deux acteurs majeurs de la vie politique française de ces quatre dernières décennies, Nicolas Sarkozy et Alain Juppé. Un vrai tournant.
- Un candidat déjà attaqué
La preuve que François Fillon est désormais candidat à la présidentielle est aussi à trouver dans les réactions de ses futurs adversaires. Du côté de la gauche, on a évidemment pointé les tendances ultra-libérales de l’ancien Premier ministre. "Une ultra droite liquide le dernier chiraco-gaulliste", s’est ému Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS, sur Twitter . "Son projet me semble très dangereux sur le plan social. Il y a un esprit de revanche qui m'inquiète, notamment contre les fonctionnaires", s’est inquiété Benoît Hamon, candidat à la primaire de la gauche, sur BFM TV.
Fillon-Sarkozy bat Juppé-NKM... Une ultra droite liquide le dernier chiraco-gaulliste !
— Jean-Chr. Cambadélis (@jccambadelis) 27 novembre 2016
Même condamnation du côté du Front national. "C'est le pire programme de casse sociale qui n'ait jamais existé, le pire programme européiste qui n'ait jamais existé. Jamais aucun candidat n'est allé aussi loin dans la soumission aux exigences ultra-libérales de l'Union européenne", a fustigé Marine Le Pen, présidente du Front national, sur Europe 1.
Mais l’attaque la plus violente est venue de là où on ne l’attendait pas forcément. "Le programme de François Fillon, c'est une purge comme on n'en a jamais proposé depuis la Seconde Guerre mondiale", a lancé… Henri Guaino sur Europe 1. "Avec un programme pareil, les classes populaires et les classes moyennes ne vont pas aller pour cette droite-là. Ce n'est pas ma droite. C'est une droite qui n'a aucune générosité, aucune humanité", a poursuivi celui qui a l’intention de se présenter à la présidentielle en candidat libre. "Ce programme, je le combattrai avec toute mon énergie, jusqu'au bout", a conclu le conseiller pendant cinq ans de Nicolas Sarkozy à l’Elysée, quand François Fillon était à Matignon. Preuve que le rassemblement ne sera pas forcément un long fleuve tranquille pour le vainqueur de la primaire de la droite.