Le gouvernement a appelé samedi l'Institut d'études politiques (IEP) de Grenoble à "sanctionner" rapidement les étudiants qui avaient publiquement diffamé des professeurs, à l'appui des conclusions d'un rapport qu'il avait commandé sur l'affaire. "Les étudiants impliqués, en diffamant leurs professeurs sur les réseaux sociaux, en portant atteinte à leur honneur et par conséquent à la réputation de l'IEP, se sont comportés de façon inadmissible. Ils devront être sanctionnés", a déclaré la ministre de l'Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, dans un entretien au Figaro.
"Tous les acteurs de cette affaire ont commis des erreurs"
La ministre avait commandé un rapport à l'inspection de l'Éducation nationale, dont les conclusions ont été révélées samedi par le Figaro. Dans ce document, dont l'AFP a obtenu copie, l'inspection souligne que "tous les acteurs de cette affaire ont commis des erreurs d'appréciation, des maladresses, des manquements et fautes plus ou moins graves".
Mais pour elle, les principaux coupables restent les étudiants qui ont taxé les deux professeurs d'"islamophobie" ou ont relayé ces accusations sur les réseaux sociaux, notamment l'Union syndicale Sciences Po Grenoble (US, premier syndicat de l'établissement) puis la branche locale de l'Unef. "Ces accusations", souligne-t-elle, "sont la cause de la grave détérioration du climat de l'IEP" au fil des mois "qui a conduit à l'événement déplorable du 4 mars".
"Aucun témoignage permettant d'accréditer les rumeurs d'islamophobie"
L'inspection indique n'avoir trouvé, au fil de son enquête, "aucun témoignage permettant d'accréditer les rumeurs d'islamophobie" des deux professeurs "relayées par l'US", qu'elle accuse d'avoir créé "un climat de peur". Le 10 mars, la directrice de l'IEP, Sabine Saurugger, avait "condamné très clairement" les affiches. Elle avait en revanche estimé que l'un des professeurs visés avait tenu des propos "extrêmement problématiques" sur l'islam.
L'inspection appelle la direction de l'IEP a prendre "sans tarder des mesures fermes" pour "sanctionner les fautes les plus graves". Cela concerne tous "les élus étudiants de l'US signataires" des accusations contre les professeurs, mais aussi les membres du syndicat qui ont diffusé sur les réseaux de "graves accusations" contre d'autres étudiants, parfois "d'une violence inouïe" et qui "relèvent du harcèlement".
"Manque de professionnalisme déconcertant"
A l'origine des accusations d'islamophobie, on trouve notamment, en novembre et décembre 2020, un échange de mails véhéments à propos d'un cours sur l'islam entre un professeur d'allemand, dont le nom a été mentionné sur les affiches, et une historienne. L'inspection épingle le "manque de professionnalisme déconcertant" des deux professeurs qui ont laissé des étudiants en copie de leurs mails, et permis à la polémique d'enfler.
Le 4 mars, des étudiants avaient placardé à l'entrée de l'institut des affichettes accusant nommément deux professeurs d'"islamophobie", relayées ensuite sur les réseaux sociaux par des syndicats étudiants, dont l'Unef (classé à gauche). L'affaire a fait souffler un vent de tempête dans l'établissement et déclenché l'ouverture par le parquet d'une enquête pour "injure publique" notamment. Le gouvernement avait dénoncé la "mise en danger" des enseignants par ces étudiants, ciblant notamment l'Unef, qui a reconnu une initiative "maladroite et dangereuse".
Elle dénonce aussi l'attitude des étudiants et leur "manque d'intérêt marqué" pour le respect de la vie privée ou la présomption d'innocence, qui a conduit aux affichages. "Il nous faut réfléchir à une éducation aux règles minimales du droit sur les réseaux sociaux, peut-être pour tous les étudiants", a souligné la ministre. Frédérique Vidal a également annoncé un renforcement de la gouvernance de l'IEP, préconisé par le rapport, tout en réaffirmant sa confiance à Sabine Saurugger.