Jean-Vincent Placé, l'homme qui aimait qu'on parle de lui (en bien ou en mal)

Jean-Vincent Placé a droit à de nombreux mèmes sur les réseaux sociaux.
Jean-Vincent Placé a droit à de nombreux mèmes sur les réseaux sociaux. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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L'ancien sénateur, arrêté jeudi matin en état d'ivresse, est devenu l'une des cibles préférées des internautes, traînant une image d'ambitieux construite autant par ses adversaires que par lui-même.

Quand Jean-Vincent Placé a-t-il cessé d'être un homme politique comme les autres pour devenir un objet de railleries plus ou moins bon enfant ? Était-ce en 2015, lorsqu'il a claqué la porte d'Europe Ecologie-Les Verts pour, avec François de Rugy, créer l'Union des démocrates et des écologistes, plus proche alors de la ligne politique de François Hollande ? Ou était-ce encore avant, en 2013, lorsque Le Canard enchaîné avait révélé des dizaines d'amendes pour infractions routières impayées ? Quelle qu'en soit la genèse, une chose est certaine : Jean-Vincent Placé, expulsé d'un bar et arrêté en état d'ivresse jeudi matin, est de ces politiques que les Français, du moins ceux sur les réseaux sociaux, adorent caricaturer.

Député avant 40 ans. Il faut dire que l'ancien sénateur EELV de l'Essonne, en poste de 2011 à 2017, a parfois tendu le bâton pour se faire battre. S'il traîne derrière lui une image d'insatiable carriériste, c'est aussi parce qu'il ne cesse d'en jouer. Brut de décoffrage, capable de quitter un plateau télévisé lorsqu'on l'interroge sur ses amendes impayées en lâchant un "vous me faites chier", Jean-Vincent Placé distille aussi les anecdotes qui entretiennent le mythe du politique prêt à tout. Aux journalistes, il raconte qu'il s'est fixé comme objectif d'être député avant 40 ans –il en avait finalement 43 lorsqu'il est devenu sénateur. Publiquement, il n'hésite pas à répéter qu'il aimerait entrer au gouvernement pendant le quinquennat Hollande –c'est chose faite en 2016. "Je l'ai sans doute trop dit", reconnaît-il dans les colonnes de Libération.

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Communication iconoclaste. Capable de passer la brosse à reluire comme de tirer à balles réelles sur le reste du monde politique, Jean-Vincent Placé s'illustre également par des opérations de communication iconoclastes. Comme lorsqu'il pose dans Marie-Claire avec une poule dans les bras pour protester contre le sexisme, le 8 mars 2015. Qu'il exhibe un "beau bar de 47 centimètres" fraîchement pêché, en 2013. Ou qu'il raconte à Closer, en 2015, sa "très belle" relation avec Cécile Duflot.

Prostré sur le paillasson du président. Autant d'anecdotes et d'images qui s'empileront et viendront nourrir l'imagination débordante des internautes. Depuis des années, on ne compte plus le nombre de mèmes dépeignant Jean-Vincent Placé prostré sur le paillasson du président en exercice en attendant un ministère. Une photo de lui au téléphone, notamment, a fait le bonheur des petits plaisantins sur Twitter, qui l'ont détournée moult fois pour montrer l'ancien sénateur proposant ses services au chef de l'État.

Après l'arrestation de Jean-Vincent Placé en état d'ivresse, jeudi matin, la photographie de Marie-Claire est ressortie des archives de Twitter, la poule remplacée par des bouteilles de vin. Même lorsque l'actualité ne le concerne pas, les blagues réapparaissent. Lors de la publication du portrait officiel d'Emmanuel Macron, des adeptes de Photoshop incrustent l'ancien Vert en arrière-plan.

Le "Richelieu des Verts". Cette image d'opportuniste, les adversaires politiques de l'ancien secrétaire d'État y sont aussi pour beaucoup. Chez les Verts, parti auquel il a adhéré en 1999, après un bref passage chez les radicaux de gauche, ses anciens compagnons d'arme l'ont décrit comme un apparatchik avide de pouvoir et de petites combines. "Quand il était permanent du groupe radical citoyen vert à l'Assemblée, il s'asseyait dans les fauteuils réservés aux ministres à la sortie de l'Hémicycle pour que les députés le prennent pour quelqu'un d'important", raconte un ancien à Libération.

La notoriété de Jean-Vincent Placé avait d'ailleurs bondi à la faveur de l'une de ces amabilités. En 2010, alors que la bataille faisait rage entre les deux maisons de ce qui n'était pas encore Europe Ecologie-Les Verts, Daniel Cohn-Bendit s'en était violemment pris à lui. "C'est le Richelieu des Verts, il est sans foi ni loi, il se réclame de Mitterrand et de la ruse, tout ce que je déteste", avait lancé "Dany". "Il a été mon meilleur attaché de presse", répondra plus tard Jean-Vincent Placé.

" Franchement, [les gens qui se moquent] je les emmerde. "

Les moqueurs, "je les emmerde". Face aux moqueries, l'ancien sénateur s'est souvent gargarisé, reprenant à son compte la phrase de Léon Zitrone : "qu'on parle de moi en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel, c'est qu'on parle de moi." Dans son bureau du ministère de l'Intérieur, il avait fait installer un portrait en pied du cardinal de Richelieu, réponse six ans après à Daniel Cohn-Bendit. Mais l'ancien sénateur s'est agacé aussi, parfois, de tous ces raccourcis. Rappelant son adoption "sur catalogue" dans un orphelinat de Corée du Sud, la difficulté de s'intégrer, dans la cour de récré comme, plus tard, en politique. Les railleurs, ceux qui pointent du doigt son arrivisme et son ambition ? "Franchement, je les emmerde", nous disait-il pendant la dernière campagne présidentielle. Et de toute façon, "dans sept ou dix ans, je ferai autre chose".

Celui qui, jusqu'au bout, a cru que François Hollande se représenterait, puis que Manuel Valls gagnerait la primaire de la gauche, n'a finalement pas attendu si longtemps pour raccrocher les gants. Difficile de comprendre la recomposition politique. Difficile, aussi, de convaincre le PS de l'investir sur une liste aux sénatoriales de septembre. Jean-Vincent Placé aurait pourtant "harcelé tous les responsables du PS pour avoir une place", selon un proche de Jean-Christophe Cambadélis au JDD. Une anecdote qui alimentera un peu plus la caricature.